Le jeudi 6 avril 2006


Mon député à Rome
Pierre Foglia, La Presse

C'est comme si, aux prochaines élections fédérales, les quelques milliers de Canado-Américains qui vivent aux États-Unis s'élisaient un député pour les représenter à Ottawa. Il y aurait un M. Tremblay de New York, qui serait candidat libéral, un autre exilé se présenterait sous la bannière conservatrice, celui qui serait élu viendrait siéger à Ottawa, mais continuerait de vivre à Los Angeles ou New York.

Complètement fou ?

C'est pourtant ce que sont en train de faire les Italiens de la diaspora : s'élire des députés locaux, un peu partout dans le monde.

Les Italiens d'Italie se rendent aux urnes dimanche et lundi pour les législatives les plus importantes de leur histoire, et c'est un détail, mais combien biscornu, pour la première fois les Italiens qui vivent hors d'Italie, Italo-Américains, Italo-Canadiens, Italo-Argentins, Italo-Français etc., élisent leurs propres députés (12 sur les 630 qui siègent à Rome) et leurs propres sénateurs (6 sur 315).

La première question qui nous vient : pourquoi faire ces députés ?

C'est ce que j'ai demandé à M. Giovanni Rapanà.

J'ai voté pour M. Rapanà, le candidat de la gauche, en fait j'ai voté contre Berlusconi. Si vous êtes élu, qu'allez-vous faire pour moi, M. Rapanà ? Mais d'abord, allez-vous habiter ici ou en Italie ?

Je vais habiter ici, évidemment. Ma vie est ici. Mes administrés sont ici. Je vais être le député de tous les Italiens d'Amérique du Nord et d'Amérique centrale. J'aurai un bureau à New York, un autre à Toronto, un autre à Montréal. Mais je serai député au parlement de Rome à part entière, comme si j'avais été élu en Italie. Pensez à un député fédéral qui partage son temps entre Ottawa et le bureau de sa circonscription de Laval. Sauf que moi, j'aurai plusieurs bureaux parce que ma circonscription est très grande, ma circonscription, c'est toute l'Amérique.

Qu'allez-vous faire pour moi à Rome, M. Rapanà ? Donnez-moi un exemple.

Eh bien, par exemple, je vais essayer de faire venir pour les Italiens d'ici la RAI uno, la RAI due e tre, pour remplacer la RAI internationale qu'on a maintenant ici et qui est un peu nulle.

La RAI ! Ciel ! J'ai même pas le câble ! L'aurais-je que je ne voudrais pas de la RAI et de ses abominables pitounes. C'est la pire télé au monde après la télé libanaise. Quoi d'autre ?

Je vais essayer de convaincre Alitalia de relancer un vol direct Montréal-Rome.

Si je puis me permettre, monsieur mon presque député, essayez plutôt Turin. C'est bien Rome, mais Turin, hé hé... provinciale mais en même temps plus flyée que Milan ; ville d'art où l'art moderne s'exhibe dans de vieux palais ; ville de bouffe ; ville de gauche et même un peu anar, ville ouvrière, ville pas chère, pensez-y, Montréal-Turin ou tiens, mieux encore, Frelighsburg-Turin...

Pour revenir aux élections italiennes, c'est dimanche et lundi prochains. Des enjeux historiques disais-je, et un enjeu plus important que les autres, capital en fait : se débarrasser de Silvio Berlusconi, qui est à l'Italie ce que Bush est à l'Amérique.

Pour revenir à l'insolite (et complètement inutile !) disposition qui va permettre à la diaspora d'être représentée à Rome, quelques chiffres : il y a autant d'Italiens à l'extérieur de l'Italie qu'en Italie, environ 60 millions. La plupart ne sont plus Italiens depuis une ou deux générations et n'ont pas le droit de vote à ces élections. Pour l'Amérique du Nord et centrale, nous sommes 346 000 à avoir gardé (ou recouvré) notre nationalité. À peine la moitié voteront -- nous avions jusqu'à aujourd'hui, 16 h, pour le faire.

Tous contre Berlusconi ? Si mes presque compatriotes votent avec la même ouverture d'esprit qu'ils votent d'ici, j'ai bien peur du contraire.

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Les illuminés

Vous y croyez, vous, à la grippe aviaire ?

À peine 100 morts en neuf ans, et tout le monde panique ?

Le virus de la grippe aviaire a été découvert en 1997 au Vietnam. Or, le laboratoire pharmaceutique Roche a acheté le brevet du Tamiflu, le médicament qui est censé la soigner, en 1996. Vous ne trouvez pas ça un peu bizarre ? Vous ne trouvez pas que ça tombe drôlement bien pour Roche, cette panique de la grippe aviaire ? Au fait, savez-vous qui a vendu le brevet du Tamiflu à Roche ? Gilhead Sciences Inc, dont le président était, je vous le donne en mille : Donald Rumsfeld, le secrétaire à la Défense des États-Unis. Oui, madame, le Tamiflu, c'est Rumsfeld, Cheney, Bush. La grippe aviaire, c'est Bush.

Vous me suivez ?


Ben, c'est justement ce que je vous reproche. Vous suivez n'importe qui. Vous avalez n'importe quoi. Puis vous allez le régurgiter sur le Net, vous répétez mot à mot l'histoire que vous venez d'entendre, vous l'envoyez à vos amis qui l'envoient à leurs amis qui me l'envoient. Rien que cette semaine, j'ai reçu 10 fois cette histoire dont le titre « Le commerce de la peur » suggère que la grippe aviaire est un complot de l'administration Bush.

Exactement la même rhétorique qui a amené des millions d'idiots à croire que les attentats du 11 septembre étaient un complot américano sioniste.

Il est exact (et connu) que Rumsfeld a des intérêts dans Gilhead Sciences qui a « inventé » le Tamiflu avant de le vendre à Roche. Mais il est complètement délirant de répandre que la grippe aviaire est un épouvantail agité par l'administration Bush pour vendre du Tamiflu.

Il est même un peu criminel d'oublier de rappeler que les virologues tiennent pour inévitable :
1 - la mutation du virus H5N1 en un virus transmissible de l'animal à l'homme, et de l'homme à sa fiancée ;
2 - une pandémie qui sera d'autant meurtrière qu'on y sera peu ou mal préparé.

Le pire de cette désinformation par Internet, c'est qu'elle provient presque systématiquement du camp ami, la gauche militante, les écolos, les granos. Comme la perversion d'un réflexe très sain : méfions-nous, la vérité doit être ailleurs. O.K. C'est vrai. La vérité est souvent ailleurs. Mais cherchez-la. Ne la fabriquez pas.