Le mardi 25 avril 2006


Des questions de vie et de mort
Pierre Foglia, La Presse

Quatre soldats canadiens tués en Afghanistan. Au nom de la liberté et du droit. Au nom de la démocratie. Au nom de la civilisation. Premières questions qui viennent à l'esprit et auxquelles je n'ai pas de réponse : les démocraties occidentales ont-elles le devoir de défendre le droit et la liberté hors de leurs frontières ? Ont-elles un devoir de « civilisation » ? Doivent-elles exporter leur démocratie ?

Répondre non à ces questions ce matin serait comme dire que ces quatre jeunes hommes sont morts pour rien. Mais répondre oui, c'est se poser aussitôt 100 autres questions tout aussi fondamentales : qu'est-ce que la civilisation ? En quoi la nôtre mérite-t-elle d'être imposée à des gens d'une culture si différente ? Peut-on, doit-on installer la démocratie dans une pays comme on installe une usine clés en main ? La démocratie peut-elle s'exporter vers un pays qui en voudrait peut-être si c'était quelqu'un d'autre qui la lui apportait, mais surtout pas des chrétiens ? À moins que la démocratie soit un concept exclusivement chrétien ? Au fait, qu'est-ce que la démocratie ?

Jusqu'à tout récemment, les Canadiens étaient assez largement contre l'envoi de troupes canadiennes en Afghanistan. Je m'imagine en train d'expliquer la chose à un habitant de Kandahar...

Si on avait fait un référendum sur la question en janvier, la réponse eut été non. Nous aurions alors démocratiquement décidé de ne pas aller porter la démocratie chez vous.

Et aujourd'hui ?
Aujourd'hui, une majorité de Canadiens sont en faveur de l'envoi de troupes chez vous.
Pourquoi ont-ils changé d'idée ?
Parce que notre nouveau premier ministre, M. Stephen Harper, s'est rendu à Kandahar, opération à grand battage médiatique visant précisément à influer sur l'opinion publique. L'opération a complètement réussi, puisque, je vous le répète, une majorité de Canadiens sont maintenant en faveur de l'envoi de troupes en Afghanistan.

La démocratie est-elle réversible ?
Totalement. Et sujette à des intoxications.
La démocratie suit l'actualité ?
Comme un petit chien.
Et c'est ce truc-là que vous venez instaurer chez nous ?
Les Afghans seraient aussi en droit de nous demander : pourquoi nous ? Pourquoi n'êtes-vous pas allés mettre fin au massacre en Bosnie ? Vous y êtes allés, mais sans rien empêcher, avec de pauvres Casques bleus désarmés, comme vous l'avez refait deux ans après au Rwanda. Pourquoi n'intervenez-vous pas, drette-là, en Corée de Nord où étouffent 23 millions de gens ? Les talibans sont entrés dans Kaboul en 1996, ils ont pillé, fermé les écoles, battu les femmes, leur imposant la burqa, ils ont procédé à des exécutions publiques, en trois mois ils ont mis le pays à leur botte, pourquoi avoir attendu cinq ans pour défendre nos libertés et nos droits ?

Pourquoi avoir attendu le 11 septembre ? Pourquoi avoir attendu d'être menacés chez vous pour aller porter le droit et la liberté chez les autres ? Au fait, que faites-vous précisément chez nous ? Vous chassez le taliban, et en traversant les villages pour vous rendre sur les plateaux où ils se cachent, vous distribuez des cahiers et des crayons de couleur aux enfants des écoles ? La civilisation en passant ? La civilisation comme un à-côté de la lutte contre le terrorisme, un peu comme on ramasse des champignons en allant à la chasse ?

Quatre jeunes Canadiens sont morts samedi du côté de Kandahar. Pour la civilisation ? Ou tout bêtement des suites du 11 septembre ?

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C'est écrit dans le journal

À la fin de la saison dernière le cycliste Charles Dionne a eu le mérite d'être mis sous contrat par une des 20 équipes professionnelles du Pro Team qui est la ligue nationales du cyclisme, l'équipe Prodir Saunier Duval, tenue de participer à toutes les grandes épreuves de la saison, dont les trois tours, de France, d'Italie et d'Espagne.

Charles Dionne, j'ai déjà pris sa défense ici, est un bon coureur, pas si loin du Tour de France, surtout dans cette sympathique petite équipe espagnole aux ambitions relativement modestes. Pas si loin et en même temps à des années-lumière, selon ses résultats. Sa première urgence, avec son contrat d'un an, était d'impressionner son employeur pour s'assurer d'une job pour l'an prochain. Or son début de saison est une faillite totale. Blessé, je n'en doute pas, mais zéro résultat, rien, nada. Absent du récent tour de Géorgie, inexistant au tour de Californie, sur son insistance me rapporte-t-on, on lui a permis de prendre le départ de trois grandes classiques dont Paris - Roubaix : de la figuration.

Au top de sa forme, ses chances de participer au Tour de France à sa première année étaient de une sur 1000. Avec ce début de saison catastrophique, pas une sur un million. Pourtant, 20 fois depuis le début de la saison j'ai lu et entendu que Charles Dionne allait très certainement participer au Tour de France. Rumeur alimentée par lui-même évidemment. Encore vendredi dernier, à la radio, dans une entrevue pathétique, à un confrère complaisant, Charles disait qu'il lui restait une petite chance. On est le 21 avril, supputait-il, le Tour part le 1er juillet, hum, ça va être juste. Il faut rêver, disait-il pour s'excuser. Quelqu'un pourrait-il lui expliquer la différence entre rêver et délirer ?

Les athlètes ont très souvent recours à ce procédé. Cas classique, la blessure pour excuser une contre-performance. Je pense à un célèbre sprinter, son ischio-jambier, une merveille d'ischio-jambier, ne le faisait jamais autant souffrir que lorsqu'il ratait sa qualification pour les demi-finales. Le lendemain dans le journal : ennuyé par une vive douleur à l'ischio-jambier qui l'a presque immobilisé aux 50 mètres, X ne s'est pas qualifié pour la demi-finale.

Mensonge que l'athlète se fait à lui-même. Il faut bien comprendre que de très nombreux athlètes vivent dans la chiasse du positivisme à longueur d'année, qui leur fait perdre tout contact avec leur réalité. Au fait, ce n'est même pas un mensonge, c'est de la pensée magique : c'est écrit dans le journal ? C'est vrai.

Ben tien, hier j'ai participé au demi-marathon de la Haute-Yamaska : une heure et 10 minutes. C'est écrit dans le journal.