Nulle, la fille. C'est quoi son nom déjà? Geneviève Gauthier. C'est bien simple, elle n'avait jamais vu un vélo avant d'arriver à la ligne de départ hier matin, au circuit Gilles-Villeneuve. Ah c'est ça un vélo, on pédale et ça avance, comme c'est amusant, je peux essayer?

Elle essaie. Et bien sûr elle gagne la course sur route des Outgames. Geneviève Gauthier, 30 ans. Elle ne l'a pas fait exprès. La veille, elle avait gagné le contre-la-montre. Elle ne l'avait pas fait exprès non plus.

Ce genre de fille, voyez. Ce genre de souris qui cherche un trou pour se cacher. Elle dit qu'elle roule pour s'amuser. Six mille kilomètres pour s'amuser! Elle dit mes études d'abord, doctorat en psychologie. Le vélo? Bof, le vélo. Quand elle roule, elle ne sait même pas si elle est sur la 17 ou sur la 15, et pour les plateaux, 50 et 34...

Vous voulez dire 53 et 39, mademoiselle.

Non, non, 50 et 34, je vous le dis, monsieur le journaliste, je suis nulle, je suis une cyclotouriste. Vous devriez me voir monter Camillien-Houde sur la 34, une moulinette. Je vais vous dire, ce n'est pas moi la coureuse cycliste, c'est ma blonde. Ma blonde, elle, c'est une vraie.

Elle est ici?
Non, elle participait au tour de Toona qui s'est terminé dimanche, elle se repose et se prépare en vue des championnats du monde en Autriche.
C'est qui votre blonde?
Elle ne s'est pas vraiment fait prier. Ma blonde, c'est Anne Samplonius.

C'est drôle la vie des fois. Anne Samplonius est probablement la meilleure cycliste canadienne depuis la retraite de Bessette et la défection de Jeanson, et l'autre jour, dans un texte de mon collègue Drouin, j'apprends qu'elle est devenue montréalaise parce que... parce que sa chum est montréalaise.

C'est vous ça, la chum de Samplonius!
C'est moi!
Geneviève Gauthier, vous l'avez compris, a un talent fou. Pourrait rouler avec les pros et avec sa blonde n'importe quand. Par contre, zéro d'expérience, ça c'est vrai. Elle a lancé son sprint de bien trop loin et a failli se faire manger sur la ligne, mais elle a gagné pareil. D'un souffle. Elle a adoré sa course, elles étaient une douzaine devant à se relancer, à se picosser tout au long de ces 40 kilomètres.

J'avais peur, avoue Geneviève, dans ce genre de course, on tombe souvent sur des maladroites, mais ça roulait bien. Ça roulait fort. Beaucoup d'attaques. Je suis sortie une ou deux fois à 45 km/h, les filles sont revenues. Un bon niveau. On a eu du plaisir.

Une course qui résume assez bien ce que sont ces Outgames. Devant, il y a une douzaine d'athlètes, des pros ou presque. Derrière, il y a une dizaine de cyclos. Perdues dans le décor, une dame de 69 ans qui participe, deux transsexuelles en cours de mutation et une Israélienne qui a refusé de donner son nom pour des raisons de sécurité.

Il y avait aussi près de la ligne d'arrivée une jeune femme qui criait quand passait le second peloton: Allez Francine.
C'est votre blonde Francine?
Oui. Le numéro 228, Francine Beaulac. Elle est directrice des ressources humaines chez Socadis, une maison de distribution associée à Gallimard.
Vous me dites ça comme ça? Et si je l'écrivais dans le journal?
Ça va. Moi je ne pourrais pas. Moi, je n'ai pas cette liberté-là dans mon travail.
Pourquoi elle est dans le deuxième peloton, votre blonde?
Parce que son petit cigarillo tous les soirs, parce que son verre de blanc, parce qu'il n'y a pas que le vélo dans la vie.

Les hommes ont pris le départ dans la fournaise du midi. Un peloton d'une trentaine de coureurs. Comme pour les filles, ils se sont retrouvés une douzaine à mener la course en tête, Michel Detry les a facilement réglés au sprint. Il est d'origine belge, informaticien, montréalais depuis huit ans, un habitué et une vedette des mardis de Lachine - second au classement général - cela répond une autre fois à votre question: est-ce qu'il y a des athlètes à ces Outgames? Voui.

Dans le peloton masculin aussi, il y avait un Israélien, mais celui-là avait donné son nom, quelques Allemands, un Suisse, un Grec, deux Anglais, et un raton laveur très visiblement gai. Pour ce qui est du vainqueur, j'ai complètement oublié de lui poser la question. Ou la lui ai-je posée? Je ne me souviens plus de la réponse.

Ce soir, critérium dans la Petite-Italie, départ et arrivée boulevard Saint-Laurent à peu près devant le Café Italia (à la hauteur de la rue Dante). Trois départs, les vieux à 16h50, les femmes à 17h55, l'élite hommes à 19h.

Sablonneux

Mon premier mouvement d'humeur? Allons, n'ayons pas peur des mots, ma première impulsion homophobe à ces Outgames? Au volleyball de plage à quatre, hier après-midi à la plage du parc Jean-Drapeau à l'île Notre-Dame.

Donc, les demi-finales de volleyball de plage à quatre. Trois équipes canadiennes et une de Californie. Tous nuls. En partant, ce n'est pas mon sport favori, mais je trouve aussi que c'est un sport qui réveille la tapette dans le gai, cette façon de casser les poignets pour renvoyer la baballe, et ces costumes, et ces poses, holà c'est trop, qu'on leur donne une petite pelle et un petit seau et qu'ils fassent des châteaux.

Anyway, les Californiens ont dû gagner.

Le vide

Je n'en reviens pas de ce débat sur les gradins vides. Il y a vraiment des gens qui croyaient qu'il y aurait foule à l'aviron? À l'athlétisme? Au cyclisme des Outgames?

Juste vous dire, j'en ai couvert dans ma vie des courses de bicyk régionales et même nationales et pas un chat à l'arrivée! J'en ai couvert des meetings d'athlétisme, parfois de très haut niveau, parfois des championnats canadiens, avec pour seul maigre public, dans les tribunes, les parents et amis des athlètes. Je suis allé moins souvent à l'aviron, mais je me souviens que les abords du bassin étaient bien déserts certaines matinées, aux Jeux olympiques, je dis bien aux Jeux olympiques. Alors les Outgames!

La plupart des gens - vérifiez-le avec votre entourage si vous trouvez que j'exagère - ne font pas la différence entre gymnastique et athlétisme. Voulez-vous bien me dire ce qu'ils iraient foutre à la finale du 3000 steeple des Outgames?