Le jeudi 30 novembre 2006


Payez maintenant
Pierre Foglia, La Presse

J'ai déjà eu pour Louise Roy, la Louise Roy des Outgames, une estime considérable. Je vous parle d'il y a longtemps. Comme bien d'autres, j'avais été subjugué par son énergie et son sens pratique. J'ai longtemps cru qu'elle avait inventé le slogan de Nike : Just do it. Ajoutez une petite tendance à la délinquance qui n'était pas pour me déplaire. Nous n'avons jamais été proches, sauf quand elle avait besoin de moi. Elle me manoeuvrait alors d'autant plus aisément que je me laissais faire. Je ne déteste pas le rôle de tata de service, quand la cause m'agrée bien sûr ; à l'époque, c'était le vélo.

Bref, j'ai toujours gardé d'elle la même bonne opinion. Tu te cherches un bulldozer pour des travaux de terrassement en terrain montagneux ? Louise, c'est ton homme. Les Outgames, en rupture des jeux gais officiels, c'est ce que j'appelle des travaux de terrassement pas évidents. Depuis le début, j'ai défendu contre les rieurs et les tartufes du sport l'idée d'une fête sportive gaie. Je n'ai pas toujours pas changé d'avis. On a bien tenu à Québec des jeux mondiaux pour les pompiers, et il existait jusqu'à tout récemment des jeux mondiaux pour les journalistes, pourquoi pas une fête sportive gaie ?

La chose a eu lieu. Tout s'est fort bien passé, il me semble. Sauf que, deux semaines après la fermeture, j'ai commencé à recevoir des coups de téléphone et des courriels des gens des fédés d'athlétisme et du vélo qui me disaient, cout'donc Foglia, t'as pas déjà été chum avec Louise Roy, toi ? Demande-lui donc quand elle va nous payer. Je répondais : calmez-vous. Louise, c'est pas le genre à se défiler.

Et puis voilà que tombe la nouvelle d'un trou de 5 millions... 1,4 million, a corrigé Louise Roy dans une entrevue avec Petrowski.

Cinq millions ou 1,4 million, ça ne fait aucune différence pour la jeune femme qui vient de me téléphoner. elle s'appelle France Joly, elle est graphiste, travailleuse autonome, elle a dessiné les bannières des Outgames, elle était responsable aussi des panneaux ; les Outgames lui doivent 22 000 $. Elle en a un très urgent besoin. Ils sont 250 fournisseurs de biens ou de services comme elle, qui attendent leurs sous.

Dans la même entrevue à Petrowski, Louise Roy se dit désolée pour ces gens-là. Je trouve ça un peu court, désolée. La Louise Roy que j'ai connue ne se serait pas contentée d'être désolée, elle aurait tapé sur la table : vous serez tous payés, je vous le promets.

Cinq millions ou 1,4 million, m'en fous. Ce sont les 22 000 $ à la graphiste qui me fatiguent. Payez les 250 personnes qui attendent après leurs sous, et je ne vous demanderai pas comment vous avez pu en arriver là.

De toute façon, je le sais, comment vous en êtes arrivés là. Louise a toujours été une super vendeuse. Elle vous a mis dans sa petite poche, comme ça ! Elle n'a même pas essayé de vous fourrer, elle le croyait vraiment quand elle vous a dit qu'il y aurait plein de monde dans les gradins.

Il ne fallait rien savoir de la chose sportive pour avoir cru une seconde que des gens se déplaceraient pour aller voir des touristes courir le 5000 m en une demi-heure. Des jeux de matante ; mais les tatas, ce sont les hauts fonctionnaires qui ont acheté des Jeux olympiques.

Combien, déjà, la cérémonie d'ouverture ? 4 millions ?

Et c'est reparti !

Quelques courriels pour me demander ce que je pense du nouveau rebondissement de l'affaire Jeanson.

Rien. Sinon qu'elle a un sacré bon avocat.

Rien, sinon que j'ai rarement entendu un athlète -- même pas Dave Hilton -- se faire lyncher comme Jeanson l'a été mardi soir à l'émission Au-dessus de la mêlée par deux collègues du Journal de Montréal et par Louis Barbeau qui distillait son sournois poison habituel. N'est-il pas allé jusqu'à susurrer qu'un nouveau règlement pourrait être introduit pour empêcher Jeanson de courir ? Devinez qui va le proposer...

Cela dit, il n'est pas interdit d'être en désaccord avec la décision de l'Agence antidopage américaine (USDA) de lever la suspension à vie de Jeanson. Pas interdit de se demander le pourquoi de cet étrange marché qui satisfait, certes, les deux parties, mais irrite grandement le milieu. De quelle justice « interrompue » se réclame-t-on ici, se demandent en ce moment nombre d'athlètes. En effet, ou bien Jeanson est innocente et alors pourquoi deux ans de suspension ? Ou bien elle ne l'est pas et pourquoi lui sauver le cul encore une fois ? La seule façon de le savoir était d'aller au bout du processus.

Qu'est-ce qui a réellement porté la USDA à ce repli ? Ce n'est pourtant pas le genre de la maison. Qu'en pensent le labo de Los Angeles et son patron Don Catlin, celui-là même qui a pourfendu les tricheurs dans l'affaire Balco ?

Il ne manquerait plus que le vainqueur du Tour de France, Floyd Landis, soit blanchi à son tour, et je sens que ça s'en vient. Venant après l'énorme cafouillage de l'affaire Puerto qui est en train de tourner en eau de boudin, venant après la réinstallation de Marion Jones, cette curieuse entente entre la USDA et Jeanson nous confirme une tendance très lourde : la lutte antidopage est en train de s'enliser dans le... judiciaire.