Le mardi 14 février 2006


Ne touchez pas au volatile
Pierre Foglia, La Presse, Turin

Après la Roumanie, après la Grèce, le virus de la grippe aviaire vient d'arriver en Italie. Nouvelle confirmée par le ministre de la Santé italien, Francesco Storace, qui précise qu'il s'agit du virus H5N1 dans sa forme hautement pathogène. Dix-sept cygnes sauvages ont été trouvés morts ces derniers jours en Sicile, en Calabre et dans les Pouilles (Sud) et les premières analyses ont confirmé la présence du virus en question sur la moitié d'entre eux.

Est-ce que la Sicile, les Pouilles et la Calabre sont loin de Turin et des Jeux?

Ça dépend de quoi on parle. Si on parle de danger réel, on en est très loin puisqu'il n'y a toujours pas d'exemple de transmission directe de ce virus d'un oiseau sauvage à l'homme.

Mais si l'on parle de l'arrivée du virus lui-même à Turin et donc aux Jeux olympiques, on n'en est pas loin du tout. Il est plausible que le virus de la grippe aviaire arrive à Turin avant la fin des Jeux. On n'est pas loin non plus d'une psychose collective. Surtout si la presse et la télé italiennes continuent d'en beurrer aussi épais.

Les quatre premières pages du très sérieux La Repubblica de ce matin sont consacrées au virus avec en manchette: Non toccate i volatili morti.

Il en a été question ce matin à la réunion quotidienne avec la presse. Les responsables des Jeux se sont faits rassurants tout en affirmant qu'ils étaient prêts à faire face à toute éventualité. Ce qui veut dire? Je n'en sais rien et je pense qu'eux non plus n'en savent rien. On les devine stressés. Dimanche, quelques membres de la délégation anglaise, qui souffraient d'une banale gastro, ont été traités avec une attention toute particulière.

Il a cependant été décidé de ne pas modifier le menu de la cafétéria des athlètes qui continueront de manger du poulet s'ils le veulent. En toute sécurité d'ailleurs, puisque le poulet cuit ne présente absolument aucun risque.

Comme je viens de vous dire, il y a deux secondes, que le poulet cru non plus ne présentait aucun risque, on se demande bien pourquoi on s'énerve. Pour que les Jeux soient touchés par la grippe aviaire, il faudrait qu'un athlète, en se promenant au bord du Pô, trouve un canard mort, le plume, et en prenne quelques bouchées. Et encore. Les seuls athlètes que j'ai connus capables de faire un truc comme ça, c'était les nageuses est-allemandes. Mais, depuis la réunification de deux Allemagnes, elles mangent des frites comme tout le monde.

Qu'est-ce que je voulais dire? Ah oui, que les moins énervés dans tout ça, ce sont les Canadiens. Mais c'est pas vraiment parce qu'ils sont zen, c'est parce qu'il n'y en a pas un qui comprend l'italien. Ne lisent pas les journaux, ne regardent pas la télé. C'est moi qui leur ai appris la nouvelle.

Le virus de la grippe aviaire? En Italie? Ah bon.

S'il y a du poulet au menu de la cafétéria? Oui pourquoi?

Je ne peux pas vous dire à qui j'ai parlé parce que j'aurais dû passer d'abord par le service aux médias et ils vont se faire engueuler si je les nomme. Bref, ils ne savaient rien. Et l'équipe média en question encore moins. On m'a d'abord affirmé que le médecin-chef de la délégation canadienne, le Dr Bob McCormack, était en réunion à ce sujet et qu'un communiqué serait émis. Démenti quelques heures plus tard, le doc McCormak est au curling.

Au marché de Porta Palazzo, hier après après-midi, des étals entiers de volatili morti, des lapins, et même de la carne di cavallo comme l'annonçait la pancarte d'une boucherie chevaline. Un couple de touristes américains m'ont demandé de les prendre en photo avec le boucher, à côté de la pancarte. J'ai fait semblant de me pousser avec leur appareil, ça les a fait rire. Des fois, dans ma tête, j'ai dix ans et demi.

Au Pastis, le bar branché de la plazza Filiberto, le monsieur avec qui j'avais rendez-vous n'était pas arrivé, fait que j'ai appelé chez nous en l'attendant. Hé fidanzata! Elle m'a donné des nouvelles des chats. Sophie traîne la patte, Picotte agonise, Lola tousse. Et toi, qu'elle me dit, comment tu vas?

Je revis quand j'entends ta voix mon amour - elle rit - mais dans ma vieille peau et dans mes vieux os, je ne sens comme 12 volatili morti.

LE FOND DE LA CHOSE - Retour au ski de fond ce matin pour une épreuve nouvelle, si nouvelle que même les vieux du ski de fond sont incapables de vous expliquer de quoi il retourne. Même qu'ils ont un peu honte, si vous voulez mon avis.

Les sprints ont été inventés en ski de fond pour faire plaisir à la télé, il se trouve beaucoup de gens du milieu pour dénoncer la chose comme une hérésie, le sprint va contre l'esprit même du ski de fond, répétez après moi, de-FOND!

Quand je vous répète que l'olympisme se propose de vider le sport du sport pour en faire un show, et que vous vous demandez ce que ça peut bien vouloir dire, ben c'est ça que ça veut dire: des épreuves de sprint en ski de fond, et non seulement du sprint, mais du sprint en équipe!

Pour la première fois aux Jeux. Deux filles par équipe, la fille A et la fille B. Une trentaine d'équipes au départ, go, partez. Toutes les filles A partent pour un tour de 1,1km en terrain presque plat. En revenant à la ligne, la fille A touche l'épaule de la fille B qui s'élance. Trois fois comme ça. En style classique.

Les cinq meilleures équipes se qualifient pour la finale A, les cinq suivantes pour la finale B. Le tandem canadien sera bien évidemment composé de Sara Renner (très bonne et en sprint et en style classique) et de Beckie Scott, une des meilleures skieuses du monde, tout déprendra comment elle aura surmonté son énorme déconvenue de dimanche dans la poursuite. On disait avant les Jeux qu'on ne voyait pas comment les deux Canadiennes pourraient ne pas monter sur le podium de ce sprint par équipe, des six épreuves de ski de fond, leur meilleure chance de médaille tout simplement parce que très rares sont les pays qui peuvent aligner de skieuses de ce niveau. La Norvège, la Russie... et c'est tout.

Écrivant cela, je viens juste de me rendre compte qu'au moment où vous lirez ces lignes, l'épreuve sera déjà finie. Ben comme ça, vous saurez si j'ai dit des niaiseries.

COURRIER - J'aurais dû gager que Beckie Scott ne gagnerait pas de médaille. J'en étais certain. Au Canada, on est nul en dopage. On n'en prend pas oubedon on se fait pogner.

Même chose en patinage de longue piste, à partir du 3000 mètres en montant. Les cuisses hollandaises et la fraîcheur des filles à la fin de la course me font suer. (N.B.)

RÉPONSE : Je ne connais pas assez le milieu du ski de fond pour faire écho à vos soupçons, et ce n'est pas Beckie Scott qui abondera dans votre sens. Peut-être qu'elle n'en pense pas moins, mais ce n'est vraiment pas le genre à chiquer la guénille après une contre-performance. Cette fois il va falloir en déclasser trois pour qu'elle se retrouve dans les médailles... une bien longue shot.

Quant à votre remarque sur les cuisses des Hollandaises, elle est un peu gratuite, les cuisses des Canadiennes sont tout aussi impressionnantes. Des cuisses comme ça, y'a pas de secret, ça se fait avec beaucoup, beaucoup de musculation. La dope peut ajouter du volume (et permettre de faire encore plus de musculation), mais c'est un peu facile en voyant des grosses cuisses de dire: dope. Pas forcément. Si vous êtes gentil, à mon retour, je vous montrerai les miennes, sont pas très grosses, mais velues en crisse. C'est le Propecia.