Le mardi 23 janvier 2007


Le parcours de l'immigrant
Pierre Foglia, La Presse

Depuis quelques semaines, je nous entends parler des immigrants, nous interroger sur la qualité de l'accueil que nous leur réservons, un autre débat à ras les pâquerettes, pas de remise en question du modèle d'intégration, l'accueil au sens premier, bonjour, bienvenue au Québec. C'est quoi votre accent? Ou alors : si t'es pas content, r'tourne d'où tu viens.

Si vous saviez comme l'immigrant n'entend rien de ce que vous lui dites, si vous saviez comme son monde est loin du nôtre, les premières années du moins. Si vous saviez comme « société ouverte « ou «modèle d'intégration» sont des concepts qui ne lui disent rien. Si vous saviez. Mais de toute évidence vous ne savez pas. Tiens, juste pour le fun, c'est quoi un immigrant?

Je savais que vous alliez dire ça. Non, ce n'est pas quelqu'un d'un autre pays qui vient s'installer ici.

Un immigrant est d'abord un émigrant. En dépit des apparences, il n'arrive pas. Il QUITTE. Et il va rester dans cet état «de partance» pendant plusieurs années. Vous ne pouvez pas l'aider. Le temps qu'il mettra à s'intégrer ne dépend pas du «ici», mais du «là-bas», ce là-bas qu'il pensait quitter, mais qui l'a suivi.

Il a satisfait à toutes les demandes, il a passé la dernière visite médicale, il est enfin reçu, élu serait plus juste, il fait ses adieux, adieu parents, adieu amis, adieu pauvre vieux pays... Il s'en va vers la modernité. Il s'en va vers son avenir. Il s'en va au Canada.

Il arrive. S'installe. Et découvre quoi au bout de six mois? Que la réalité n'est pas tout à fait comme dans son rêve? Oui, mais ça il s'y attendait, il n'est pas si nono. Ce à quoi il ne s'attendait pas, par contre, ce qu'il découvre, stupéfait, c'est que ce pays qu'il pensait avoir quitté, la Russie, le Liban, la France, le Maroc, le Sri Lanka, ce pays l'a suivi au Canada. Un an, deux ans, trois ans plus tard, il n'est toujours pas d'ici. Dans le plus banal des gestes du quotidien, quand il mange, quand il écoute le téléjournal et se demande où est La Tuque, quand il n'en a rien à foutre que le Canadien ait gagné 4 à 2, il est encore de là-bas. Que vous soyez gentils avec lui ou pas ne l'empêchera pas de vous haïr parfois, de trouver que vous mangez mal, que vous élevez vos enfants tout croche et que vous êtes racistes : il était ingénieur là-bas, ici il conduit un taxi.

Cela lui prendra des années pour muer, pour sortir de sa vieille peau de Russe, de Libanais, de Français, de Marocain. Vous n'y pouvez rien. Pouvez caresser une chenille du bout du doigt, lui dire t'es laide, lui dire t'es fine, cela ne la fera pas devenir papillon plus vite.

Un matin, longtemps, longtemps après son arrivée à l'aéroport, l'immigrant débarque enfin. Bienvenue! S'en suit souvent une période de grande exaltation, tout ce qui l'horripilait le ravit, il se met à la poutine, achète sa première paire de raquettes, va en vacances au Nouveau-Brunswick, et dans certains cas extrêmes écoute Virginie. Cette phase gaga-Canada ne dure pas très longtemps. Un autre matin, il se réveille en sacrant, fuck! Moins 25, quel pays de merde. Il est désormais comme vous et moi, mais surtout comme moi, à cause de l'accent.

Vous êtes le journaliste qui écrit dans La Presse?
Oui.
Ah ! tiens, je vous imaginais avec une autre voix.
Quarante-six ans plus tard c'est fatigant, mais c'est pas du racisme.

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L'ABBÉ PIERRE - Avec l'abbé Pierre s'est éteinte hier la race des gens de bien que la misère indignait. La race de ceux qui prenaient la misère à bras-le -corps, la portaient sur la place publique et en appelaient au peuple : Citoyens! Vous n'avez pas honte citoyens?

L'abbé Pierre parti, il reste des gens de bien tout court. Soit parce qu'ils sont très très riches, je pense à un George Soros, plus près de nous à M. André Chagnon. Soit parce qu'ils sont des saints ou presque, je pense au docteur Julien, admirable de dévouement et d'efficacité.

Des gens de bien se sont levés par millions depuis que l'abbé Pierre a poussé son premier cri. Je ne dis pas que c'est grâce à lui, notre époque est résolument au bénévolat et aux réseaux d'entraide pour répondre aux inégalités croissantes. L'abbé Pierre ajoutait l'indignation. Sans l'indignation, on s'habitue à faire le bien à la place de la justice sociale.

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BEN TIENS! C'est une pub du fonds de solidarité de la FTQ pour vous vendre des REER. Mais d'abord, il faut remplir un questionnaire. Les questions : Quel est votre âge actuel? À quel âge souhaitez-vous prendre votre retraite? Enfin celle-ci : Jusqu'à quel âge espérez-vous vivre?... Ciel! J'en ai rempli des questionnaires dans ma vie. J'ai répondu à des millions de questions idiotes, comme : avez-vous visité une ferme au cours des dernières 48 heures? Un individu que vous ne connaissez pas vous a-t-il remis un colis suspect? Mais jamais personne encore ne m'avait demandé jusqu'à quand j'espérais vivre...

Ça vous prend l'heure exacte?

Celui-là enfin ne vend pas de REER, mais un logiciel qui permet de filtrer les... pourriels. Bonjour, je me permets de vous contacter car vous êtes sur ma mailing list!

Petit comique.