Le jeudi 29 mars 2007


Fin de campagne
Pierre Foglia, La Presse

Plus j'écoute les gens dans les reportages nous dire pourquoi ils ont voté pour Mario Dumont, plus ils disent leur ras-le-bol du «vieux système», plus ils se gargarisent de leur satisfaction d'avoir donné une leçon aux vieux partis, plus j'ai l'impression que le grand vainqueur de ces élections est le camping Ste-Madeleine. Ou un autre de ces campings du même genre où il importe moins de prendre congé de son quotidien, que de le recréer au bord de l'autoroute, en bedaine, en échangeant des rots chaleureux avec son voisin.

Vous n'êtes jamais allé au camping Ste-Madeleine? Ou un autre du même genre? Chaque soir, en accusation autour du BBQ : les élites qui méprisent le peuple, les syndiqués, les profs toujours en vacances, les fonctionnaires qui se pognent le beigne, le Plateau, les parlementaires qui ne tiennent pas leurs promesses, la grande ville cosmopolite pleine d'étrangers.

Je n'ai rien contre le camping Ste-Madeleine. Athènes aussi - au pire d'Athènes - s'est réclamée de l'infaillibilité populaire pour rompre avec cette démocratie d'opinion sans laquelle le métèque risque l'exclusion démocratique, sans laquelle la laideur consacrée par le mauvais goût populaire devient démocratique, sans laquelle la peine de mort devient démocratique, sans laquelle la prière à l'école devient démocratique, sans laquelle le créationnisme devient démocratique, sans laquelle n'importe quoi y compris l'ADQ devient démocratique.

Je n'ai rien contre le camping Ste-Madeleine, mais Dieu sait que je n'ai rien pour non plus! Et ce qui commence à m'énarver, ce sont toutes ces gens, dont quelques leaders d'opinion comme on dit, qui, dès l'annonce de la victoire (morale) de Mario, sont allés parquer leur roulotte à Ste-Madeleine, au nom de cette même infaillibilité populaire.

Le camping Ste-Madeleine ou la victoire d'un idéal citoyen pour veiller sur les intérêts supérieurs de la nation? Mon cul.

JE SUIS UN DEVIN - Je me souviens que, jadis, vous aviez prévu qu'un jour Mario Dumont deviendrait premier ministre et je me souviens aussi que tout le monde avait ri de vous. (Extrait d'un courriel de Mario Hébert, Austin, Texas.)

J'étais à Rivière-du-Loup au soir de la première élection de M. Dumont, en septembre 94. Ce n'était pas le matamore d'aujourd'hui, mais un jeune homme emprunté, voire maladroit, une curiosité dans le paysage politique. J'avais osé pronostiquer qu'il deviendrait un jour premier ministre et j'avais effectivement fait rire de moi. Cela dit, en octobre dernier, je le tenais pour un politicien fini à la tête d'un parti qui n'allait nulle part. Et même lundi matin, je n'ai pas du tout flairé la vague, je lui prédisais moins de 20 députés. Si, parlant de M. Dumont, vous deviez me féliciter de mon flair, pourquoi pas pour cette prophétie qui date de décembre 94 : Si la tendance se maintient, dans 10, 20 ans, Mario célébrera non pas l'indépendance du Québec, mais son union avec le Canada... Mine de rien, je venais d'inventer (avant Mario lui-même) le concept de l'autonomie (Mario qui, à l'époque, s'apprêtait à militer pour le Oui.)

LES VERTS - Qu'est-ce qu'il a pu me tomber sur les nerfs, ce Scott McKay, pendant la campagne. Dans toutes les entrevues avec les journalistes, il réussissait à placer que lorsqu'on faisait un sondage sur les élections dans les écoles, c'était toujours son parti écologiste qui l'emportait auprès des enfants. Quand ces enfants-là seront grands, les verts prendront le pouvoir... Se rendait-il compte qu'il ne faisait que souligner l'infantilisation du discours écologiste? Ben oui, les ti-nenfants sont écologistes, c'est bien pour ça que ce sont des ti-nenfants et quelques-uns vont le rester, hélas, toute leur vie, dans le giron de môman-la-Terre...

M. BOISCLAIR - La question reste entière : comment le PQ a-t-il pu s'embarquer dans cette campagne électorale avec M. Boisclair?

Traverse-t-on l'Atlantique à pédalo?

Le PQ que j'ai connu était, dans ses officines, un parti de petits vites assez souvent issus de la pub et du marketing. N'ont-ils pas vu que ce garçon ne passait pas la rampe, que son discours ne levait pas, qu'il marchait à côté de ses souliers?

Expliquez-moi cette aberration : l'avant-dernier jour de la campagne, évoquant la perspective d'un gouvernement minoritaire péquiste, M. Boisclair a invité Mario Dumont à l'aider à tenir un éventuel référendum. Évidemment, Dumont s'est fait un immense plaisir de l'envoyer chier. Quelqu'un peut-il m'expliquer le sens stratégique de cet appel de M. Boisclair? C'était n'importe quoi. Ce garçon n'est tout simplement pas allumé. Ça n'a rien à voir avec son homosexualité, ou peut-être que si, peu importe les raisons, il ne passe pas la rampe. Il ne fait pas mauvaise impression, il ne fait pas d'impression du tout.

Dans les circonstances, le PQ (et la souveraineté) s'en tirent, je trouve, miraculeusement bien.

MES AMIS - La bonne nouvelle pour Québec solidaire : Amir Khadir avec 30 % du vote dans Mercier. La mauvaise : tout le reste, même les 25 % de Françoise David dans Gouin sont décevants. Et le « pas tout à fait « 4 % pour l'ensemble du territoire, franchement désolant. Ce n'est qu'un début en attendant la proportionnelle, ont dit les deux chefs. Une proportionnelle qui ne sera pas pour la prochaine fois, c'est sûr. Ni, je le crains, pour la suivante.

Me répondant indirectement dans une entrevue (devenue un livre) accordée à Pierre Maisonneuve, Françoise David se défendait d'être une sainte. Il faudra pourtant bien, madame. Et peut-être même martyre.