Le mardi 12 juin 2007


Mes hôpitaux
Pierre Foglia, La Presse

Au cours des dernières années, j’ai eu à fréquenter deux hôpitaux, l’un et l’autre situés à peu près à égale distance de chez moi. L’hôpital de Brome-Missisquoi, à Cowansville, l’un des plus mal classés de notre palmarès des urgences puisqu’il se mérite la note de « D moins ». Quant à l’autre, celui du Haut-Richelieu à Saint-Jean, il se classe quelque part au milieu du tableau avec la note de « C plus ». Je suis allé soigner une phlébite au premier, au second, j’ai subi une intervention sous anesthésie générale, en plus de quelques visites impromptues à son urgence en pleine nuit, pas plus tard que cet hiver.

Je ne vous parle pas ici de santé, c’est un sujet qui m’ennuie je vous l’ai dit souvent. Je vous parle de ce tableau qu’on retrouvait en page trois de mon journal hier. J’aime les tableaux, c’est amusant, c’est sportif. Donc dans ce tableau, les urgences des hôpitaux du Québec sont classées comme les coureurs à la fin d’une étape du tour de France, voyons-y de plus près...

L’hôpital de Brome-Missisquoi est classé avant-avant-dernier, seuls Saint-Luc et Notre-Dame ont fait pire dans toute la province ! Quant à l’hôpital du Haut-Richelieu, il reflète la situation en général au Québec, longues attentes à l’urgence avant de voir un médecin, durée moyenne du séjour : 15 h 45, une petite demi-heure de moins que la moyenne québécoise.

Où je veux en venir ? Au décalage. Le décalage entre la vérité rigoureuse, indubitable, incontournable des statistiques, des enquêtes, des vues d’ensemble, des palmarès, des classements, bref le décalage entre la vérité des chiffres et la vérité tout aussi vraie et pourtant bien différente d’une visite à l’hôpital.

À deux reprises, en février dernier, j’ai dû me rendre à l’urgence à l’hôpital du Haut-Richelieu à Saint-Jean. Si je ne compte pas le temps passé en salle d’attente (qui n’est pas comptabilisé non plus dans notre palmarès), les deux fois – pour un problème pas si simple qui nécessitait d’attendre le résultat d’une analyse faite sur le tas –, les deux fois j’ai passé moins de deux heures sur la civière, et ce n’était même pas dans un couloir, mais dans une alcôve fermées par des rideaux. (Je suis gêné d’avoir à le préciser, mais je vous entends ricaner : non, je n’ai bénéficié d’aucune faveur ni raccourci.)

Pour ce qui est de l’hôpital de Brome-Missisquoi, cela fait un moment que je n’ai pas eu à m’y rendre, mais si vous voulez mon avis, pour avant-dernier qu’il soit dans notre classement, affublé de cet infamant « D moins », c’est de loin l’hôpital le plus sympathique où j’ai jamais mis les pieds. Un amour d’hôpital de campagne, anglophone dans sa culture profonde avec des vieilles dames qui vendent des cookies dans le hall d’entrée, avec des super médecins qui ont choisi de vivre dans la région plutôt qu’à Montréal, un modèle de réseau intégré, service d’obstétrique cité en exemple à travers le pays, et vous allez me dire que cela n’a rien à voir mais pour moi c’est déjà le début de ma guérison: pour me rendre à l’hôpital de Brome-Missisquoi, je dois prendre à travers champs par des raccourcis qui embaument les foins, mon médecin à l’époque élevait des moutons, et dans la salle d’attente, bien rare si je ne salue pas un voisin, la dernière fois c’était le vieux Sherman qui s’était fait un tour de rein en pelletant son fumier.

Vous me dites maintenant que j’y attendrai deux heures de plus que partout ailleurs ? En la rustique compagnie de Sherman qui me parlera de son jardin, je veux bien.

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La gauche française

C’est la grande nouvelle de l’heure : la France a viré à droite !

Ah bon ! Parce que c’était la gauche qui était au pouvoir ? Chirac c’était la gauche ? Reportons-nous il y a 50 ans, mai 58, De Gaulle se fait plébisciter. C’était la gauche De Gaulle ? Après De Gaulle, il y a eu ce ratoureux de Pompidou, c’était la gauche Pompidou ? Après Pompidou il y a eu ce nul de Giscard, c’était la gauche Giscard ? Le seul président de gauche que la France s’est donné en 50 ans ce fut Mitterand et vous savez pourquoi ? Parce qu’il était de droite.

Le problème de la gauche en France, c’est... la gauche ! J’entends la gauche officielle, celle des chroniqueurs du Nouvel Obs, de l’Express, des barons du parti socialiste, des intellos, de BHL. Écoutez-les se lamenter. Se lamentent-ils de Sarkozy ? Que non. Ils se lamentent de la gauche d’en bas... trop à gauche, trop archaïque, trop loin du centre où se trouve le pouvoir. Se lamentent du peuple, ce boulet.

C’est pas bien grave, allez. La gauche d’en bas, la gauche républicaine, Sarkozy ou pas, est toujours le cœur de la France comme elle l’est depuis Voltaire, depuis Lamartine, depuis Rousseau, depuis le Front populaire. Elle a survécu à De Gaulle, elle a surtout survécu à Mitterand, elle survivra aussi à Ségolène. Elle ne prendra jamais le pouvoir, elle n’est pas là pour prendre le pouvoir, la gauche n’est pas faite pour le pouvoir, elle est faite pour l’opposition, elle est là pour foutre le bordel, la gauche française est la meilleure gauche du monde pour foutre le bordel. Vive la France.