Le jeudi 12 juillet 2007


Retours de bâton
Pierre Foglia, La Presse

NOTA BENE - Je reviens aujourd'hui sur trois récentes chroniques. La première, pas très claire semble-t-il, a laissé des lecteurs dubitatifs. La seconde m'a valu des courriels inattendus. La dernière, sur les bébés animaux, ne m'a rien valu du tout, pas un courriel, pas une lettre, pas un commentaire, mais je reviens pareil, j'aime ça quand je suis tout seul.

LES HÉROS- Je suis sûr que M. Bush prie tous les jours pour les soldats américains en Irak. Je suis sûr qu'il demande au Seigneur de les épargner. Je suis sûr qu'il est profondément affligé, affligé jusqu'au tréfonds de son âme pour chaque soldat américain qui tombe en Irak.

En fait, je veux parler de M. Harper et de l'Afghanistan. Je veux revenir sur cette chronique dont le titre «Ils sont morts pour nous» a abusé nombre de lecteurs, notamment nombre de militaires qui m'ont adressé des félicitations embarrassantes dans les circonstances. Je leur dois une explication. Ce sera plus facile en prenant M. Bush en exemple.

En son âme, M. Bush est profondément affecté par chaque soldat qui tombe en Irak. En son âme. Pas en sa conscience. M. Bush a la conscience en paix. Il ne se dit pas: ces milliers de morts, c'est ma faute. Ces milliers de morts ne pèsent rien sur sa conscience. Un par un, il les pleure. Des milliers, c'est la grandeur de l'Amérique.

Dans la tête de M. Bush, dans celle de M. Harper, dans celle de bien du monde, pas dans la mienne, mais peut-être dans la vôtre, les morts à la guerre deviennent des héros. Deviennent de l'Histoire. Deviennent de l'honneur. Deviennent des cérémonials émouvants. Deviennent des petits rubans jaunes sur le coffre des voitures. Deviennent de la cohésion nationale.

Ce que disait ma chronique désespérée (et sans doute maladroite, mais ni cynique, ni ironique), c'est que les guerres, sous leurs faux prétextes, en ont toujours un vrai qui est encore pire que les faux: l'édification des citoyens.

Ce que disait cette chronique, c'est qu'il ne s'agit absolument pas de l'Afghanistan. Il ne s'agit pas du tout d'apporter la démocratie à des Pachtounes et des Baloutches qui n'en veulent que très modérément et dont on ignorait jusqu'à l'existence avant 2001. En faisant la guerre, c'est notre édification que fait M. Harper. Comme M. Bush fait celle des Américains. D'où mon titre: ils sont morts pour nous.

Je voulais dire: Ils ne sont morts QUE pour nous.

ENCORE BRIÈRE- Dans ma chronique de mardi je ne parlais pas du tout de Daniel Brière, j'ai juste échappé son nom en déconnant sur Réjean Tremblay. J'ai quand même reçu 278 954 courriels pour me dire: ouais, c't'écoeurant, Bob Gainey l'a fait exprès, il n'en voulait pas de Brière.

Hé, ho, les boys, vous ne me confondez pas avec Stéphane Laporte au moins?

Vous savez quoi? Il se pourrait que vous ayez un peu raison. D'après moi, M. Gainey était partagé. Il voulait un peu Daniel Brière parce que c'eût été bon pour la business. Mais au fond il n'y tenait pas parce que ce n'était pas la solution. L'autre jour, à la une de notre journal, Gainey a dit ce qu'était sa solution: il faut que l'amélioration vienne de l'intérieur. Brillant en même temps qu'élémentaire. Mais allez donc expliquer ça aux amateurs de sport les plus sourds de l'univers.

De toute façon, on parle pour rien. Même si Gainey avait vraiment voulu, Brière, lui, quoi qu'il en dise, ne voulait pas. Il aurait trouvé de toute façon une raison pour ne pas venir. Mettez-vous à sa place: qui voudrait jouer dans un psychodrame quotidien?

ROSELINE- L'autre jour je vous parlais de bébés et j'ai complètement oublié de vous parler de Roseline, un bébé wapiti. Dans les vallons près de la frontière du Vermont, une quarantaine de bêtes magnifiques dans de vastes enclos. Parfois, quand je passe, le fermier est à leur servir la moulée. La dernière fois que je me suis arrêté, il m'a raconté la naissance de Roseline.

Cela ne s'est pas très bien passé. Après des heures de travail, seules les pattes d'en avant du faon dépassaient, la mère wapiti, épuisée, ne poussait plus, il y avait danger de perdre les deux. Finalement, à force de tirer sur les pattes, le fermier et sa femme ont réussi à sortir le faon vivant. La mère aussi était sauve, sauf, comme il arrive parfois chez les animaux (les vaches notamment), quand le travail a été trop douloureux, la mère associe son bébé à son extrême souffrance et le renie. Va-t'en.

C'est ainsi que Roseline est née orpheline. On doit la nourrir aux trois heures, des biberons géants de lait de chevreau. Toute en jambes, gracile, pleine de petits cris, elle cherche sa mère évidemment, et ce jour-là, elle avait décidé que ce serait moi. Môman!

Avez-vous déjà mangé du wapiti? Moi non plus. La dame en vend si vous en voulez, elle vend aussi des terrines, des rillettes, des raviolis, des gelées et des capsules de bois de velours, un produit d'exportation qui était presque entièrement écoulé en Corée jusqu'à ce que des histoires de vaches folles ou de wapiti fou dans des élevages en Colombie-Britannique aient provoqué la fermeture des frontières.

Le bois de velours est, paraît-il, souverain contre le vieillissement. Je vérifie et je vous en reparle en 2080. Chut, c'est bon aussi pour le sexe, mais ça je ne vous en reparlerai pas.

La plogue pour finir: il s'agit de l'élevage Val-Grand-Bois à Saint-Armand, sur la route 235 (chemin Dutch) au sud du chemin Saint-Armand, en direction du poste de douanes de Morses Lines, une route de rêve pour le vélo. Les animaux sont farouches, Germain et Francine sont timides et Roseline, c'est pas la tour de Pise, c'est pas pour visiter.