Le mardi 24 juillet 2007


Du vol
Pierre Foglia, La Presse

Retour sur la chronique des fruits de jeudi dernier. J'y rapportais qu'une fois sur trois je jette les fruits que je viens d'acheter au marché Jean-Talon, au Métro de mon village, chez les fruitiers chic comme aux étals des producteurs locaux. Le genre de chronique que j'aborde en me disant: cout'donc? C'tu juste moi?

Vous aussi, apparemment. Un déluge de courriels, deux ou trois centaines de témoignages fâchés, mais si vous me permettez, pas assez fâchés. Vous soupirez, vous ronchonnez pour finalement vous résigner assez vite, vous me dites même que c'est presque notre faute, on veut des cerises, des pêches, des raisins toute l'année, alors il faut les faire venir du bout du monde, ils voyageront une semaine, parfois 10 jours avant de se retrouver sur nos étals, pas étonnant qu'ils ne soient pas de première fraîcheur...

Excusez de vous interrompre. Il semble vous échapper que vendre des pêches impropres à la consommation, quelles que soient les raisons pour lesquelles elles sont impropres à la consommation, C'EST DU VOL.

Mais, direz-vous, si le marchand s'est lui-même fait voler au Marché central? C'est son problème. Et rassurez-vous, il ne s'est pas fait voler, il sait très bien qu'il a acheté de la marde, et il l'a achetée parce qu'il pense pouvoir faire une piastre avec.

Vous avez été nombreux à évoquer un reportage (de Radio-Canada?) que je n'ai pas vu qui établissait que le Québec serait une sorte de déversoir planétaire des fruits blets, parce qu'on serait des consommateurs cheap et finalement, on aurait ce qu'on mérite. Déjà que vous êtes nés pour un petit pain, voilà que vous seriez nés aussi pour un abricot pourri? Pas chanceux.

Vous me donnez des trucs aussi. Comment sentir. Comment tâter. Comment «écouter» le son que renvoie un fruit quand on le tapoche du bout du doigt. Franchement, vous me voyez en train de jouer du tam-tam sur les mangues? Vous me dites aussi: goûtez avant d'acheter. Ah oui? Je prends une petite tranche dans l'assiette à dégustation? Petit comique.

Vous êtes quelques-uns aussi à philosopher sur notre soumission à l'apparence. Sur cette confusion que nous entretenons entre un beau fruit et un bon fruit. Vous êtes plusieurs, enfin, et ça c'est nouveau, à partager mon ambivalence sur les marchés publics, le plaisir d'y déambuler largement tempéré par le sentiment de s'y faire arnaquer par des gens, me dit une lectrice, qui ne nous vendent pas des fruits, mais nous vendent «un prix», nous vendent une aubaine qui est toujours un piège à con.

Parlant de pièges à con, les pêches de l'Ontario sont arrivées et vous avez été des dizaines à me dire combien elles étaient bonnes, sucrées, parfaites, on ne se trompe pas avec les pêches de l'Ontario. Ah oui? Vous êtes allés voir au fond du panier?

MERCI AIR FRANCE - Je demandais l'autre jour à Air France s'il était exact que les cyclistes qui voyagent avec Air France, ou avec une des compagnies affiliées à Air France - KLM notamment - devaient payer 150 euros pour le transport de leur vélo à l'aller et 150 euros au retour...

J'attendais un démenti, je me disais qu'il devait forcément y avoir une erreur, je soupçonnais que cela devait dépendre du nombre de valises...

Cela ne dépend de rien du tout. Chaque passager a droit à deux valises de 23 kg chacune, mais qu'il en ait une, ou deux, ça n'a rien à voir. Pour son vélo, ce sera de toute façon 150$CAN de franchise au départ de Montréal et 150 euros pour le retour. Pas loin de 400$ en tout.

C'est comme ça depuis un an environ, me dit-on, même si la nouvelle réglementation n'est pas toujours appliquée par des agents qui ont peut-être un peu honte. Ainsi un ami qui vient de revenir de Milan via Amsterdam avec KLM n'a rien payé au retour de Milan. Même chose pour ce lecteur qui revenait de Barcelone, lui c'est au départ de Montréal que l'agent lui a fait grâce.

Air Canada? Moins cher, 50$. Air Transat? Gratuit. British Airways, gratuit aussi, me dit-on, mais vérifiez. Delta, 90$US.

Je ne sais pas encore comment je vais contourner la chose, mais un truc est certain, je suis allé au Tibet avec mon vélo, aussi à Saigon, à Bangkok, à Katmandou, à Kinshasa, ça ne m'a jamais coûté un sou et il n'est pas question que je paie 400$ pour aller à Angoulême.

MERCI, HARRY POTTER - L'autre jour, à la radio du midi de Radio-Canada, un dynamique prof des HEC, titulaire de la chaire Pierre Péladeau sur l'art et l'épicerie, a déclaré que le plus extraordinaire chez Harry Potter, c'était son succès. Le professeur pleurait de joie en rappelant que plus de 300 millions d'enfants avaient lu Harry Potter, la preuve que le succès n'est pas incompatible avec l'art, ronronnait-il. En fait, ce grand spécialiste de l'art et de l'épicerie voulait dire que le succès est l'essence même de l'art.

À cette même émission, tout plein de gens sont venus dire que l'important finalement, c'est que les enfants lisent. Peut-être que Harry Potter ce n'est pas de la grande littérature, mais qu'est-ce qu'on s'en fout, disaient les gens, ces enfants là lisent, comprenez-vous, ILS LISENT.

Je n'y avais pas pensé, mais c'est bien trop vrai, grâce à Harry Potter, un jour ces enfants-là vont lire Marc Lévy et pourquoi pas Marie Laberge. Merci, Harry Potter.