Le mardi 27 août 2007


Rapaillages
Pierre Foglia, La Presse

Je vous ai dit souvent mon goût pour les chroniques rapaillées qui parlent de rien, «le seul domaine où j'ai quelques vagues connaissances», disait Oscar Wilde, ce sera un texte comme ça aujourd'hui qui parlera de Masbourian, de Maxiiiiiime, d'une rumeur qui concerne Geneviève Jeanson, et de Gisèle, une fidèle lectrice helvète de 85 ans de Deux-Montagnes qui menace ses enfants de se racheter un vélo, mais d'abord ce bref aperçu sur l'éternel féminin, à vélo aussi...

Vous pédaliez, mesdemoiselles, sur le chemin des Bouleaux, je venais en sens contraire, nous avons tourné presque en même temps sur le chemin des Sapins, vous étiez quasiment dans ma roue arrière. Sans engager à une familiarité que je suis le premier à fuir, le vélo se prête parfois à un brin de conduite, comme ici, sur ce mauvais chemin de terre, tant qu'à rouler deux encâblures devant, pourquoi pas de concert?

Mais vous n'êtes jamais parvenues à ma hauteur. Ah tiens, où sont-elles? Je me retourne, les deux encâblures étaient devenues quatre, puis 10, vous évitiez délibérément de me rejoindre et j'en ai été agacé. Surtout que je m'étais retrouvé dans la même situation l'avant-veille dans la montée de Jay, la dame roulait trop vite pour que je la clenche, j'ai dit bonjour en arrivant à côté, elle m'a fait une gueule de trois pieds de long, on a roulé un moment dans un silence embarrassant, finalement je me suis inventé une envie de pisser pour la laisser filer.

Je ne sais pas si ces jeunes femmes effarouchées se rendent compte qu'à soustraire leur cul d'aussi ostensible manière, alors qu'on n'y pensait pas, au lieu de le soustraire, disais-je, elles le placent au centre de l'univers et que c'est là, pour le moins, manquer de modestie?

Gisèle Zavallone, de Deux-Montagnes, se souvient d'une autre façon de pédaler, d'un autre temps surtout. «J'avais 16 ans, m'écrit-elle dans son petit mot charmant sur du papier ligné, je me souviens qu'avec des copains nous partions d'Yverdon pour aller à Berne, ou pour aller en Valais, 125 kilomètres aller, autant pour le retour. Aujourd'hui, je n'ai plus de vélo, mais j'ai averti mes enfants (61 et 63 ans) que si on me retire mon permis de conduire comme on m'en menace, je m'en rachète un.»

Puis-je vous suggérer, madame Gisèle, un vélo tout titane (plus chic que le tout carbone). J'étais justement chez Marinoni hier, je regardais Luc usiner les raccords d'une machine incroyable. Sept mille dollars certes, mais vous êtes suisse, non?

Nous irons rouler ensemble, madame; je vous raconterai quand j'étais un peu helvète moi-même et que je travaillais rue du Vieux-Collège, à Genève, à l'imprimerie Kündig que fréquentait Blaise Cendrars qui, le premier, m'a appris qu'on pouvait écrire en rapaillant des notes, ce qu'il a fait avec génie dans L'Homme foudroyé. Cendras disait avoir appris le rapaillage de Descartes qui savait aussi, on s'en doute peu, discourir sans aucune espèce de méthode.

Rapaillons encore... j'étais donc chez Marinoni et c'est là que j'ai réentendu cette rumeur qui court dans les milieux cyclistes depuis le milieu de l'été: Melle Jeanson -vous vous souvenez de Geneviève Jeanson?- allait passer cet automne à Enquête, la nouvelle émission d'Alain Gravel, à Radio-Canada. Selon la rumeur, Mlle Jeanson y ferait une confession-choc -accuserait notamment son ex-entraîneur André Aubut de violences.

Retenez-moi quelqu'un... Combien de fois, mon collègue Pierre Hamel et moi nous sommes-nous portés à la défense de Mlle Jeanson à une époque où tous les médias la traînaient dans la boue? Combien de fois me suis-je personnellement commis? Il ne me souvient pas qu'elle ne m'ait jamais payé en retour de la moindre confession. Il est vrai que je n'en attendais pas. Je pensais bêtement qu'elle était mon amie.

HOMMAGE AUX LECTEURS - Voici quelques extraits d'un courriel de lecteur que je ne nommerai pas, ce n'est pas l'idée. L'idée ici est de rendre hommage à l'ensemble des lecteurs, de les remercier en pleine face. Merci, amis, d'être là.

J'aime beaucoup vous lire, monsieur Foglia, vous êtes de ceux qui savez allumer l'esprit des gens... vous m'avez aidé à sortir d'un étroit corridor et je vous en suis redevable, merci pour vos lumières, merci pour votre poésie.

Le même lecteur, dans le même courriel, me dit qu'il vient d'écrire un recueil de poésie dont il m'envoie copie en pièce jointe et ajoute qu'il a une histoire à me raconter et que cela pourrait se faire à vélo avec un ami commun qu'il me nomme.

Je lui réponds que je n'ai jamais entendu parler de cet ami supposément commun, que s'il a une histoire à me raconter, très bien, pas besoin de faire du vélo pour ça. J'ajoute que je n'ai pas lu sa poésie, je ne lis pas les poèmes que l'on m'envoie. Ma réponse est frette mais sans être franchement discourtoise.

Extraits du second courriel du même lecteur qui, souvenez-vous, me remerciait dans le premier «de l'avoir aidé à sortir d'un long corridor»: J'ai bien réfléchi et je t'emmerde. T'es un sale prétentieux, un petit personnage juste bon à parler de ton nombril et de ta mère. Va te faire foutre pauvre ostie de con de trou de cul protégé par ton syndicat de merde.

J'AI PLEURÉ À SHAWINIGAN - Mais si je vous l'ai écrit l'autre jour, une autre de ces fois où je freakais sur la mort, j'ai pleuré à Shawinigan qui est une sacrée belle place pour pleurer. Vous avez été quelques-uns à me consoler, mais c'est mon jeune ami Maxiiiiime, comme toujours, qui a été le plus suave: Faites-vous une tisane, lisez Ronald King, au pire ma mère -qui tient salon d'esthétique à la maison- peut vous faire un massage suédois. Je vous assure que sa nouvelle musique d'ambiance «Zen complexion», ça rentre dans le dash quand vient le temps de se faire épiler le bikini.

Maxiiiiime est renté cet été du Japon où il vient de passer toute une année et où il retournera après une mineure en littérature comparée à l'UdeM. Maxiiiime espère devenir chanteur de country japonais, un monde rough, me dit-il, si vous avez des contacts là-dedans ça m'aiderait.

Désolé Maxiiiime, le seul Japonais que je connais vend des dessus de comptoir en arborite pour les cafétérias, je ne l'ai jamais entendu chanter mais ça ne serait très zoli ze crois parce qu'il parle français avec un lézer zézaiement, tu sais comme Masbourian quand il dit pour la Zuite des Zoses...