Le mardi 2 octobre 2007


Petite devinette
Pierre Foglia, La Presse

À la rigueur je pourrais, ce serait rock'n'roll mais je pourrais, enseigner le français dans une école secondaire. Mais je ne pourrais pas donner un cours d'éducation physique. Juste les voir arriver avec leurs souliers détachés - c'est la grande mode chez les 15-16 ans, paraît-il -, je piquerais une crise. Vous ne voulez pas les attacher, vos pompes? O.K., tout le monde nu-pieds, on part courir un 10 kilomètres.

J'ai roulé en fin de semaine avec un ami qui est prof d'éduc dans une école secondaire à Laval. Un athlète. Ironman, marathonien, un des trois ou quatre meilleurs coureurs du peloton des maîtres, va finir l'année avec 15 000 kilomètres au compteur de son vélo, mais son réel exploit, d'après moi c'est de se retrouver, deux ou trois fois par jour, cinq jours par semaine, avec une trentaine de bébés gâtés, de flancs mous, de moumounes, auxquels il doit d'abord demander d'attacher leurs putains de souliers.

Sont gros?

Pas tant que cela, moins obèses qu'on le dit dans les médias. Sont surtout incroyablement réfractaires à tout effort. Ne veulent pas de cours d'éduc, ne veulent surtout pas courir. M'sieur, m'sieur, on peut jouer au basket (au soccer, au touch football, au hockey cosom)?

Tu vas me dire c'est correct, ça les fait bouger? Y'en a trois qui bougent, les autres se pognent le moine. Ils ne jouent pas au soccer parce qu'ils en ont envie, c'est juste pour passer la période, c'est surtout pour que je ne les fasse pas courir. Leur cauchemar, courir. Même courir un kilomètre, juste un. Trois kilomètres, c'est la mort. Avant, je les attendais à l'arrivée, maintenant je patrouille en vélo, autrement ils trichent, ils coupent à travers. Je les tamponne au poignet à des points de contrôle. Croirais-tu que j'en ai pogné qui prenaient l'autobus!

Trompe-toi pas, je les aime bien. Je les torture un petit peu, pas trop. J'essaie d'en tirer le maximum. Des fois, je désespère. Ne sont pas juste paresseux physiquement. Je leur avais demandé de regarder le reportage sur Geneviève Jeanson pour qu'on en discute. Deux l'ont regardé. Je le savais, quand il y a du contenu, ça les fatigue...

C'était dimanche. Tandis qu'avec mon ami prof on parlait de ces enfants pas capables de courir un kilomètre, à Berlin, Haile Gebreselassie battait le record du monde du marathon en 2 heures 4 minutes et 26 secondes.

Soit plus de 20 kilomètres l'heure. Soit un peu moins de trois minutes au kilomètre. Quarante-deux fois un peu moins de trois minutes. Comment je vous expliquerais bien?

Gebreselassie vient d'Arsi, un village le long de cette faille de 4000 km qui fend l'Afrique en deux du Mozambique à la mer Rouge, vallée que l'on appelle le Rift. Gebreselassie vient des hauts plateaux qui dominent cette vallée. Enfant, il y gardait les troupeaux de son père. C'est là aussi, le long de cette faille, qu'un paléontologue britannique, dont j'oublie le nom, a découvert les premiers bipèdes préhumains. On pense que ces hauts plateaux sont le berceau de l'humanité, on pense que c'est sur ces hauts plateaux que l'homme qui achevait de se redresser a couru pour la première fois sur ses deux jambes il y a de cela environ quatre millions d'année.

Gebreselassie vient de là.

Tandis que les élèves de mon ami prof d'éduc au secondaire, viennent de Laval.

Quant à Mike Weir, puisque vous me le demandez, il vient de Sarnia, Ontario.

Mais cette petite devinette? Je vous avertis, elle n'a aucun rapport avec la paléontologie, mais quand même un peu avec l'homme du néant-derthal, avec Mike Weir et avec Gebreselassie: devinez pourquoi j'étais super en crisse, ce matin, en lisant mon journal?

Y'a rien à gagner. Même pas un abonnement.

Courrier

À propos des crucifix qui ne devraient déranger personne sur les murs des écoles, quelques lecteurs s'étonnent douloureusement: on vous croyait athée, monsieur le chroniqueur, comment pouvez-vous défendre la présence de ces symboles religieux (et non culturels comme vous le prétendez) sur les murs des écoles, des hôpitaux, dans les tribunaux...

Je défends la présence de ces crucifix en n'en faisant pas une affaire de principe, de religion, de droits, mais comment dire? De sensibilité. D'urbanité. Bien sûr qu'ils sont incongrus dans un espace civique, mais on ne parle pas d'en mettre, ils sont là, il y a de la provocation à vouloir les décrocher, il y a un peu là-dedans du taliban qui fait sauter les bouddhas de Bamiyan. Peut-il y avoir dans ce débat, en plus de la voix du bon droit, celle du citoyen ordinaire qui ne fait pas chier son voisin quand ce n'est pas absolument nécessaire?

ATTENTION ÇA COUPE! Ce voyageur revient à Montréal par l'aéroport d'Orly. Il passe tous les contrôles, pas de bouteilles d'eau, pas de ciseaux, pas de lime à ongles, vous savez comment c'est maintenant, ça n'en finit plus. Les contrôles passés, juste avant l'embarquement il se rend à la salle de bains pour constater, oh! surprise, la présence d'une machine distributrice d'articles de toilette dont des LAMES DE RASOIR. Il s'en étonne auprès d'un agent de sécurité qui lui répond «qu'au prix où la compagnie distributrice paie de redevances pour ces machines, ce n'est pas demain la veille qu'on va les enlever» !

Je suis retourné m'asseoir complètement rassuré, m'écrit Danny Leblanc qui joint une photo de la machine distributrice en question sur laquelle il a encerclé la petite vitrine où apparaissent un rasoir et des lames. Pourquoi rassuré? Parce que je venais de comprendre que les terroristes pouvaient bien nous enlever la vie ils ne viendraient jamais à bout de notre économie. Capitalisme 1 - Terroristes 0.