Le mardi 22 octobre 2007


Pu capable, votre liste
Pierre Foglia, La Presse

Quand on demande aux gens de nommer les petites choses qui les agacent le plus dans la vie, viennent toujours en premier les fixations de langages... les fixations des autres, bien entendu.

Écoutez !

Vous n’en pouvez plus qu’on vous intime d’écouter. Vous n’en pouvez plus de tous ces gens qui mettent ou ne mettent pas leur culotte. Vous n’en pouvez plus, comme moi, de la lalaïsation et de son expression la plus courue : ça l’aide!

Vous êtes encore moins capable quand l’exemple vient d’universitaires, d’artistes, de journalistes, de spécialistes de la communication. Je viens juste d’entendre à Maisonneuve une certaine Jacqueline Roby, porte-parole du ministère de la Citoyenneté : «Les Canadiens s’attendent de nous que...» Pardon, madame ?

Les Canadiens s’attendent à ce que. Plus simplement, ils pourraient attendre que... attendre que vous leur parliez français, par exemple.

Vous n’en pouvez plus des sacres à moitié, estie, calife, criffe (cela s’appelle, je crois, une métathèse). Vous n’en pouvez plus du tutoiement, de une autobus, une avion. Et de ces commerçants qui vous accueillent d’un retentissant : bonjour, capitaine.

Et le sport. Ah le sport ! Vous n’en pouvez plus des interminables discussions sur Kovalev, Koivu, Price ou Huet. Vous trouvez que Réjean, notre Réjean, pleure trop fort sur l’absence de joueurs francophones. Parlant de sport, avez-vous regardé la soirée de boxe à TVÀ vendredi soir ? Me souviens pas, dans une émission de sport, même à 110%, d’une purge comme ce Guillaume Lemay-Thivierge qui faisait la couleur de l’avant-combat dans le vestiaire de Bute. Ouf ! Mais bon, nous voilà avec un nouveau champion du monde. Trouvez pas qu’il en pleut ces temps-ci, sur Montréal, des champions du monde? (Une question pour ceux qui suivent un peu la boxe et même pour ceux qui la suivent beaucoup : vous aviez déjà entendu parler de ce Berrio, vous?)

Je vous invitais samedi à dresser la liste de vos bogues et voilà que la tête me pique de tous vos poux comme si je n’avais pas assez des miens.

Exemple, la Bombardier. Vous me dites : J’écoute TVA, elle est là ; j’écoute CBF, elle est là ; je lis Le Devoir elle est là. J’écoute Arcand le matin, elle est là. L’autre jour à TV5, elle était là. C’est drôle, pas moi. Fait bien 10 ans que je n’ai pas lu, pas entendu, pas vu la Bombardier. C’est bien pour dire qu’on peut vivre dans un tout petit pays et en même temps sur une autre planète.

Pour rester dans les personnalités qui vous tombent sur les nerfs, sans surprise, vous n’êtes plus capables de Guy A. Lepage, de Stéphane Dion, de Céline Dion et de Lise Dion.

Vous ne m’avez pas oublié : vous m’exaspérez, M. le chroniqueur, mais je vous lis pareil. Je figure aux côtés de Gilles Duceppe, des Denis Drolet, Jean-Luc Mongrain, Jean Coutu, la Grimaldi, Roméo Dallaire, et Chantal Lacroix (?).

Chérie, c’est qui Chantal Lacroix? Elle ne sait pas non plus. Une autre planète, je vous dis.

Vous n’avez pas l’air d’être chanceux avec vos belles-sœurs. Ma belle-sœur, cette conne a collé la photo d’une SAAB sur son frigo parce qu’elle a lu dans une revue que tu peux avoir ce que tu veux si tu visualises souvent l’objet de ton désir.

(Si votre belle-sœur savait le nombre de culs que j’ai visualisés dans ma vie et que je n’ai jamais eus).

Ma belle-sœur est à peu près aussi allumée que Colette, la fille de la météo. Pierre Bruneau : Il pleut, Colette? Colette : Oui et nos problèmes ne sont pas finis. Ma belle-sœur dit souvent ça aussi : nos problèmes ne sont pas finis.

Ma belle-sœur est correcte sauf que ça la fatigue que je sois végétarien et toutes les fois qu’elle nous invite à souper, toutes les fois elle insiste : André, tu voudrais pas une petite tranche de mon bon routi? Envoye donc.

Vous n’avez pas l’air d’être chanceux avec vos belles-sœurs. La mienne est plutôt fine. Je pourrais peut-être vous la prêter. Chérie, qu’est-ce qu’elle fait ta sœur en fin de semaine?

Pu capable les descriptions inutiles à la télé. Exemple : on voit une ambulance qui arrive. Voix du reporter : une ambulance arrive. Ah bon, c’est une ambulance, je pensais que c’était la papamobile.

Pu capable le sexe à la télé. Le sexe pour le sexe, comme une épice obligatoire. On a parfois l’impression qu’ils avaient terminé de tourner le nouvel épisode du téléroman, s’en allaient chez eux, avaient déjà leur manteau sur le dos, quand catastrophe, le réal s’est aperçu qu’il avait oublié le sexe. On n’a pas mis de sexe dans l’épisode ! Revenez tout le monde. Marie, tu sucerais-tu Robert?

Pu capable dans les avis de décès : j’ai rejoint ceux que j’aimais, j’attends ceux que j’aime. Un, c’est du plagiat, c’est du Bossuet. Deux, ferme donc ta gueule, t’es mort.

Pu capable les journalistes à Kandahar (100 milles à l’heure avec vous, j’ai assez hâte qu’ils découvrent le Luxembourg).

Pu capable la fille à la caisse du dépanneur. Voulez-vous un sac? J’ai du lait, du pain, de la bouffe à minou, de la mayonnaise, le journal, des chips, des crottes de fromage, oui innocente, je veux un sac.

Pu capable mon dentiste (trois dents, 2500 $).

Pu capable les piments, c’est pas des piments, c’est des poivrons. Pu capable les cantaloupes, y’a pas de «e», des cantaloups.

Pu capable les vraies affaires. Dan Bigras, l’autre jour, déclarait que la gastronomie ne l’intéressait pas, seulement les vraies affaires.

Pu capable la fleur de sel, les verres en styromousse, les vieux avec des jeunes pitounes, les guillemets partout, les diphtongues.

Yesss ! Moi aussi, j’ayiiiis les diphtongues.

Pu capable les accommodements raisonnables.

Pu capable les viaducs.