Le jeudi 25 octobre 2007


En brassant le couscous
Pierre Foglia, La Presse

Sur le fond, je doute que cette commission soit très utile. Mais sur le dessus, qu’est-ce que c’est intéressant d’un point de vue disons anthropologique. Sur le dessus, c’est comme dans la chanson: C’était un temps déraisonnable/On avait mis les cons à table/La pièce était-elle ou non drôle/S’ils y tenaient mal leur rôle/C’était de n’y comprendre rien/Est-ce ainsi que les hommes vivent? Avec mes excuses à Aragon.

Hérouxville, bien sûr. Mais pire que Hérouxville: le backlash à Hérouxville qui a commencé à déferler. La dégoulinade proprement écœurante de bons sentiments qui va aller en s’accentuant pour finir en rivière à m’lasse à Montréal. J’aime ton hijab, ta djellaba, ton keffieh, j’t’aime de la tête aux pieds. Parlant de pieds, cet été, ma belle sœur est allée en vacances en Haute-Égypte; elle m’a rapporté des babouches, je suis assez bien dedans. Abdul en pleure de joie, des larmes grosses comme les grains de l’espèce de chapelet qu’il n’arrête pas de tripoter coulent dans sa barbe : Ji t’aime aussi, mon ami.

Et les médias trop heureux d’avoir des bons exemple à montrer d’insister lourdement, c’est le principe de la saucisse, plus tu la lèches, plus elle bande.

Combien on parie que cette commission va finir par un méchoui? Oui, monsieur Aragon, c’est ainsi que les hommes vivent par ici; tu leur dis qu’ils vont passer à la télé, sont prêts à aimer tout le monde, même Allah.

Je déconne? Ou est-ce vous, quand vous vous racontez que ce grand brasse-couscous va changer les rapports entre les néo et les «de souche»? Vous savez ce qu’il y a au bout de cette commission? Un rapport, très bien, mais après le rapport? Après le rapport, il y aura un juge. Le même juge qui a décidé que les enfants de ce pays pouvaient aller à l’école avec un kirpan. Et qui, en regard de la nature particulière du multiculturalisme canadien, ne pouvait peut-être pas en décider autrement.

Une commission pour discuter des accommodements? Il n’y a rien à discuter. C’est pas tendance les accommodements. Pas un effet de notre bonté. Je l’ai dit, je vais le redire: c’est la trame même de ce pays. Depuis le début des années 70, depuis Trudeau, l’État canadien a officiellement pour idéologie de préserver l’identité – les traditions religieuses, les particularités culturelles – de ses différentes communautés ethniques (1).

Ce sont des choses qui font vite le tour de la planète en ces temps où l’intégration des immigrants suscite partout des interrogations. Aussi, quand un musulman avec des convictions religieuses affirmées, ou un juif orthodoxe, ou un sikh a le choix entre immigrer à Londres, Amsterdam ou Montréal ou Toronto ou Vancouver, à tous les coups il va choisir Montréal, Toronto ou Vancouver. Il sait qu’à Montréal, son fils pourra aller à l’école avec son kirpan. Il sait qu’il pourra porter son turban sur les chantiers où le casque est obligatoire, mais pas pour lui. Au pire, il sait qu’un juge se penchera sur son cas.

Ce ne sont pas les sikhs, ni les musulmans, ni les orthodoxes qui nous ont imposé leurs coutumes. C’est Trudeau qui a voulu que ce soit comme ça. Il a rallié les esprits les plus ouverts de ce pays autour d’un credo en forme de mosaïque, credo devant lequel se prosternent aujourd’hui une majorité de Canadiens libéraux, supportés par une presse très chatouilleuse à tout accroc au sacro saint multiculturalisme (Une presse qui était à deux doigts, ce matin, de traiter Mme Marois de fasciste).

Sans surprise (ni indignation), j’entends à cette commission des gens dont le discours pourrait se résumer par : s’ils ne sont pas contents, qu’ils retournent chez eux.

Tu ne peux pas dire ça, Chose. Parce que c’est pure xénophobie mais surtout parce que ce n’est pas conséquent. Tu les as invités. Tu leur a dis: chez nous, c’est pas comme chez les maudits Français ; chez nous, tu ne passeras pas à la moulinette du melting pot américain ; chez nous, tes enfants pourront aller à l’école avec leur kirpan, ils pourront ne pas jouer au hockey le samedi, si c’est contre leur religion tout en gardant leur poste dans l’équipe. Rappelle-toi, Chose, tu leur as promis aussi de leur bricoler une petite mosquée dans la cour de l’école...

Je n’ai jamais dit ça moi !

Mais si, tu l’as dit.

Pas du tout, c’est Trudeau, pas moi.

Trudeau, c’est toi. Si tu ne veux pas que ce soit toi, alors ce n’est pas une commission sur les accommodements raisonnables que ça prend. C’est un référendum. Mais y’en a pas déjà eu un. Deux.

(1)Dont la communauté francophone... et il s’est trouvé des gens, dont René Lévesque, pour soupçonner que le multiculturalisme n’avait été qu’une diversion de Trudeau pour faire du Québec un avatar ethnique.

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PETIT BONHEUR – Stop vos listes « pu capable de », c’est fini, merci. Vous allez maintenant me faire la liste de vos petits bonheurs... non! non! non! c’t’une blague! C’est seulement que, parlant de petit bonheur, je viens de recevoir celui-ci d’une lectrice...

Arnaud, mon fils, est à l’école maternelle depuis un mois. Il en arrive justement, ouvre la porte, claque la porte, bang.

– Hey Arnaud, ça va?
– Oui.
– Et l’école? Ç’a été ?
– Oui. On a eu un examen.
– Un examen! Déjà? C’est sérieux!
– Oui.
– C’était un examen de mathématiques ou de français?
– Hey ! Penses-tu qu’y nous l’disent!

Si tu savais, Arnaud, tout ce qu’y nous disent pas !
(Andrée P... sa maman)