Le mercredi 18 juillet 2007


Le Galibier n'a même pas accouché d'une souris
Pierre Foglia, La Presse, Tour de France

Je ne connais pratiquement rien au baseball, je n'ai jamais saisi l'âme du baseball, je ne fais pas la différence entre une courbe et une glissante et tout ce que je sais d'Ichiro Suzuki, c'est qu'il court vite.

Je vous parie pourtant n'importe quoi que je dis moins de niaiseries quand je me risque à parler baseball - sans doute parce que j'y vais sur la pointe des pieds - que je dis moins de naisieries quand je parle baseball que vous, quand vous parlez vélo.

Ce que vous pouvez m'énerver avec vos gros sabots!

Des énormités. Et sur quel ton! «Vinokourov est un coureur qui n'attaque jamais, me dit celui-là. Expliquez-moi pourquoi il est grand favori du Tour depuis cinq ans ?» Il était favori cette année, monsieur, mais il est tombé, s'est blessé aux deux genoux et peut à peine marcher. Cinq ans, dites-vous? Il n'a pas couru le Tour l'an dernier. Et les quatres années précédentes, le grand favori du Tour était un type qui s'appelait Armstrong. Lance Arsmstrong. Peut-être que cela vous dit quelque chose ? Vinokourov était dans ces Tours-là, il attaquait en chien fou, sans arrêt, un battant comme disent les Français, fort sympathique à part ça.

J'ai aussi des courriels de vieux Français nostalgiques, ah Anquetil, ah Poulidor. Le pire, c'est qu'il y en a des jeunes aussi, tout aussi dans le jello que leurs parents, la nostalgie du Tour de France est une maladie qui se transmet en radotant en famille.

Il y a surtout les nouveaux convertis, touchants dans leur soif de savoir, qui se gargarisent des clichés de Bernard Vallet et me les régurgitent comme des faits d'armes.

Avez-vous vu, hier, dans le Galibier, monsieur Foglia?

Je n'ai rien vu du tout, je suis allé rouler au Vermont avec un collègue. Je n'ai pas attendu de voir parce qu'avec le Galibier à 40 kilomètres de l'arrivée, je savais qu'il n'y aurait rien à voir, à part le décor bien entendu, les aiguilles d'Arves et le mont Thabor.

Le Tour de France n'arrête pas de se donner rendez-vous dans le Galibier, et l'Izoard, où il n'arrive jamais rien. Et pourquoi n'y arrive-t-il rien? Parce que, dans le vélo moderne, il ne peut rien arriver dans un col aussi haut soit-il, aussi mythique soit-il, situé à plus de 40 kilomètres de l'arrivée. Il est moins arrivé de choses dans les 30 kilomètres de montées combinées du Télégraphe et du Galibier que dans le retroussis des derniers 700 mètres à 13 % de l'arrivée à Briançon.

Vous me dites que Vinokourov s'est fait décramponner dans le Galibier? Ça n'a rien à voir avec le Galibier mais avec ses genoux.

Frank Schleck, le vainqueur de l'Alpe d'Huez l'an dernier, s'est fait sortir dans le Galibier? Schleck gagnera peut-être le Tour un jour, mais ce n'était certainement pas prévu pour cette année, ni pour l'an prochain. Par contre, Schleck peut gagner des étapes prestigieuses, pour cela il faut qu'il ne soit pas trop bien classé. Je vous expliquerai une autre fois.

Menchov s'est fait décoller dans le Galibier? Menchov se fait toujours décoller à un moment donné. Popovych a gâché une autre belle occasion? C'est sa spécialité.

Je vois dans le live report kilomètre par kilomètre de www.cyclingnews.com que tous les autres favoris étaient là et ont fait match nul: Valverde, Evans, Leipheimer, Klöden, Sastre, Moreau. Moreau qui en arrachait peut-être un peu, mais bon, personne, sauf les Français, ne s'attend vraiment à ce qu'il gagne le Tour.

Que nous a appris le Galibier? Rien. Le Tour va se jouer comme prévu entre Klöden, Valverde et Evans avec un gros avantage à Klöden, à cause des deux contre-la-montre à venir. En embuscade derrière ces trois-là, les deux Discovery, Alberto Contador et Levi Lepheimer.

Je n'ai pas parlé de Sastre? Ça ne sert à rien d'en parler, samedi à Albi, Klöden va lui prendre trois minutes dans le contre-la-montre.

Je n'ai pas parlé de Rasmussen? Je devrais peut-être. Après tout, il est grand vainqueur des Alpes et va garder le maillot jaune jusqu'à samedi. Ce qui doit grandement désoler les 1000 journalistes qui couvrent le Tour, il faut savoir que Rasmussen est le moins sympathique des coureurs du peloton, chiant pour tout dire, pas très aimé non plus de ses propres coéquipiers, mais surtout détesté des mécaniciens qu'il rend fous tant il est maniaque de son matériel. Quand il a quitté l'équipe de la CSC pour celle de la Rabobank, les mécaniciens de la CSC ont organisé une grande fête dont on parle encore.

Rasmussen peut-il gagner le Tour? Pour poser la question, vous ne devez pas l'avoir vu dans le contre-la-montre de Saint-Étienne en 2005. Pathétique. Indigne d'un coureur professionnel. D'une nullité technique comme on en voit rarement. Ce jour-là, il était passé de la troisième à la septième place au classement général.

Samedi, sur 55 kilomètres, Klöden va lui prendre plus de quatre minutes.

Rasmussen peut rebondir les trois jours suivants dans les grandes étapes pyrénéennes, c'est vrai. Il peut même reprendre le maillot. Hélas, un autre contre-la-montre l'attend la veille de l'arrivée à Paris.

Bref, je vous résume, aujourd'hui et demain deux étapes de merde sans aucun intérêt, mais alors vraiment aucun. Vendredi, un petit col à 50 kilomètres de l'arrivée qui pourrait donner des idées à certains. Si le Tour vous intéresse, je veux dire la course, par toutes les niaiseries autour, c'est samedi, le prochain rendez-vous.

D'ici là, plutôt que de me poser des questions idiotes, faites-donc mon éducation, c'est qui Ichiro Suzuki?