Le jeudi 21 février 2008


Une question douloureuse
Pierre Foglia, La Presse

Se sont-ils au moins excusés ceux qui ont régurgité leur ressentiment tout l'été et l'automne derniers? Vous savez, ceux-là qui reprochaient à la direction du Canadien d'avoir «raté» Daniel Brière? Se sont-ils excusés? Je n'ai rien entendu.

Si je ressors ce que j'ai écrit sur le Canadien à la fin de l'été et de l'automne derniers, je vais avoir l'air de me vanter. Avais-je prévu que le Canadien connaîtrait une aussi bonne saison? Prévu, non. Mais j'avais exprimé une confiance qui tranchait grandement avec la déprime ambiante.

J'avais applaudi à deux mains une déclaration de Bob Gainey qui disait sans le dire dans ces mots-là: voulez-vous bien me lâcher le cul avec votre Daniel Brière de merde; ce n'est pas en allant chercher un petit ou un gros joueur qu'on améliore une équipe qui n'en est encore pas une. Si vous étiez moins nuls en sport, je n'aurais pas besoin de vous l'expliquer: on améliore une équipe essentiellement en en faisant... une équipe. Après, seulement après, on va chercher le ou les joueurs qui vont lui permettre d'atteindre des sommets.

Attendez que je ressorte la déclaration exacte de Gainey, c'était en plein été, à la une de notre journal, il a dit: Il faut que l'amélioration vienne de l'intérieur.

C'est exactement ce à quoi lui et Carbonneau se sont employés: améliorer l'équipe de l'intérieur. Le résultat est là. Remarquez qu'ils auraient très bien pu se planter sans, notamment, l'heureuse métamorphose de Kovalev. Mais peu importe le temps que cela aurait pris, il fallait d'abord que cette équipe en devienne une et cela n'avait que très peu à voir avec l'arrivée de nouveaux joueurs.

Allez donc expliquer ça à des amateurs de sport obnubilés par l'exploit individuel. D'ailleurs, qui pour l'expliquer? Sûrement pas les journalistes sportifs, dont au moins la moitié n'ont aucune foutue idée de ce qu'est une équipe. Aucune idée de comment se constitue, au-delà des «rararas», le sentiment d'appartenance à un groupe. Tout ce lent travail de construction avant que l'unité commence à nourrir la confiance de ce groupe.

Allez donc expliquer aux amateurs de hockey que l'accession aux finales de fin de saison dans la LNH, contrairement au football de la NFL ou au basket de la NBA, n'est pas une question de talent mais de collectif. Après, pour aller plus loin, le gros joueur d'impact (comme ils disent) peut faire une différence, et Gainey est sans doute justifié, aujourd'hui, de vouloir renforcer l'équipe, encore que... encore qu'il y a deux ans, les deux finalistes, Caroline comme Edmonton s'étaient frayé un chemin jusqu'à la finale sur la seule force de leur collectif.

Pour un coach de handball, de waterpolo ou de basket de n'importe quel niveau, pour le coach d'une équipe de soccer de filles d'une école primaire du fin fond de l'Abitibi comme pour le coach du FC Barcelone, pour tous les coaches de la terre d'un sport collectif, pour tous les journalistes appelés à couvrir un sport collectif, pour tous les amateurs de sport collectif, au centre de leur intérêt, de leur préoccupation, de leur appréciation: le collectif.

Cela tombe sous le sens.

Sauf au hockey!

Quelques coaches de la LNH (Denis Savard à Chicago, Gretzky à Phoenix), de nombreux ex-coaches qui sévissent aujourd'hui à la télévision n'ont absolument rien à foutre du collectif. Comme d'ailleurs la plupart des amateurs de hockey. Comme au moins la moitié des journalistes qui couvrent le hockey, par exemple dans une émission de bonne tenue comme La zone, à Radio-Canada, seuls Gérard Gagnon et parfois Dany Dubé semblent se soucier du collectif.

Ce qui m'amène à cette question douloureuse: cout'donc, le hockey serait-il un sport de morrons?

Une autre question douloureuse

Faut-il craindre ou espérer que les athlètes du monde entier prennent des positions politiques durant les prochains Jeux olympiques?

Du côté du Comité olympique international, la consigne est claire: fermez vos gueules. Rappel du règlement 51-3 de la Charte olympique: aucune sorte de démonstration ou de propagande politique, religieuse ou raciale n'est autorisée dans un lieu, un site ou autre emplacement olympique. Il y a là un petit flou. On comprend bien pour les stades et le village olympique, mais est-ce tout Pékin et toute la Chine qui seront considérés comme un «emplacement olympique» durant les Jeux?

Un athlète qui manifesterait place Tiananmen pour les droits de l'homme tomberait-il sous le coup de ce règlement? Pas clair.

Du côté des comités olympiques nationaux, le nôtre en particulier, on recommandera aux athlètes de respecter la Charte et pour le reste, à vos risques et périls.

Bref, que vous craigniez ou, au contraire, que vous espériez que les athlètes foutent le bordel, à Pékin, ne craignez ou n'espérez pas trop. Le 200 mètres quatre fois quatre nages n'a jamais porté personne à la réflexion politique.

S'il y a du bordel pendant les Jeux, il viendra des groupes de défense des droits de l'homme et du Tibet (ah le Tibet!) qui vont beaucoup s'agiter. Peut-être aussi les dissidents chinois profiteront-ils de la grande visite pour défier la répression.

Sera-ce utile? Je n'en sais rien. Le premier coup d'éclat du genre me laisse dubitatif. Dans une action évidemment planifiée depuis longtemps, M. Steven Spielberg (le réalisateur), vient de mettre fin à sa collaboration avec les Chinois (il travaillait à la conception des cérémonies de clôture et de fermeture). Raison: le soutien de la Chine au Soudan, responsable des massacres et de la famine au Darfour.

Jamais entendu dire que Spielberg avait manifesté à Hollywood contre l'Irak, contre la torture des prisonniers politiques aux États-Unis, contre Guantànamo. Contre la peine de mort. Qu'est-ce qu'il lui prend, tout d'un coup, de se prendre pour Sean Penn?