Le lundi 10 mars 2008


Pour quelques degrés de plus
Pierre Foglia, La Presse

Nous autres, de la Haute-Yamaska, Frelighsburg, Saint-Armand, Bedford, Cowansville et même jusqu'à Sutton et à Lac-Brome, ce coin-là, à une heure de Montréal même pas, on n'a rien eu, enfin presque rien.

À la télé et à la radio, ils disent que la fin du monde est arrivée. Pas chez nous. Pour ce qui est de la neige: moins d'un pouce. Il a neigeoté un peu hier matin et à Frelighs on a manqué de courant quelques heures samedi, c'est tout.

Chanceux, dites-vous? Encore plus que vous ne le croyez, on est passé à ça d'un massacre. Je vous raconte.

Dans la nuit de vendredi à samedi et samedi matin on a eu à peu près la même mixtion que vous à Montréal, grésil et verglas, saupoudrés de neige. Avec pour résultat un paysage momifié sous une couche de glace pas si épaisse, mais vous savez combien cette merde-là pèse des tonnes, et les bouleaux n'en pouvaient déjà plus, les branches basses des cèdres traînaient à terre et même les rameaux du robuste frêne devant ma fenêtre se rompaient sous leurs poids de verglas avec un bruit sec. S'il avait fallu qu'il tombe là-dessus vos 35 centimètres de neige mouillée, bonjour le méga dégât.

Heureusement, tout est tombé en pluie. Le thermomètre a monté de deux ou trois degrés, juste ça, deux ou trois petits degrés, il a commencé à pleuvoir au début de l'après-midi, cela a duré jusqu'au milieu de la nuit, une pluie de printemps abondante et froide mais pas glacée. Non seulement n'était-elle pas glacée, mais elle a tout lavé, tout déglacé justement. Puis le vent s'est levé: il a tout séché.

Hier matin, les chemins étaient des patinoires, mais il n'y avait rien, absolument rien à pelleter. Une journée d'hiver ordinaire, venteuse, mais loin, très loin de la fin du monde que vit le reste du Québec. Les minous reviennent du champ les pattes sèches, et même vers midi, la mouffette qui a sa tanière dans la friche derrière la shed est venue sur la galerie disputer les graines des oiseaux.

Juste vous dire en passant: notre mouffette n'est pas idiote comme votre marmotte, elle ne sort pas de sa léthargie hivernale pour voir son ombre, elle sort parce qu'elle sait que le printemps est là, même si on ne le voit pas.

Deux petites choses encore avant de vous laisser retourner à vos pelles. Si cette histoire vous donne à penser que l'hiver en Haute-Yamaska est plus aimable, il n'en est rien; au contraire de cette fois, il arrive souvent qu'il neige ici et que vous n'ayez rien à Montréal.

L'autre petite chose que je tiens à resouligner, c'est qu'il a suffi d'une différence de trois minuscules degrés pour que vous ayez toute cette montagne de merde et nous seulement de la pluie. Je vous laisse sur ce regret: ce n'est pas à la Floride, Acapulco ou Waikiki que l'on rêve, mais à ces trois minuscules degrés de plus pendant l'hiver qui feraient la différence entre une banquise à pingouins et un pays civilisé.