Le jeudi 13 mars 2008


Neiges
Pierre Foglia, La Presse

Le doucereux animateur qui remplace Maisonneuve, ces jours-ci, avait convoqué l’autre midi ses chers auditeurs à s’exprimer sur les bonheurs de l’hiver. Ceux qui n’aiment pas l’hiver avaient le droit d’appeler aussi, sauf que ceux-là sont trop occupés ces jours-ci à déneiger leur auto, à pelleter leur toit, à mener les enfants à l’école par des rues impraticables, pour avoir le temps d’appeler les tribunes téléphoniques. Bref, ce sont surtout des bienheureux de la raquette qui se sont manifestés à l’onctueux animateur.

Le premier intervenant, un prof de je ne sais quoi à la retraite, a presque dit qu’il fallait être intelligent pour aimer l’hiver. Exemple, quand on est intelligent, on pense à mettre une pelle dans son auto et une flashlight et après ça, youpi, vive la vie. L’animateur n’a même pas dit : Fuck, Chose, niaise pas. Il a rien dit. Il était content. Il aime l’hiver aussi.

Sauf que, après celui-là, un autre illuminé a décrété que pour aimer vraiment l’hiver il ne fallait pas avoir d’auto. Allons bon, je la mets où, ma crisse de pelle maintenant ?

C’est sans parler de tous ces gens qui se félicitaient, en tant que Québécois, d’avoir quatre saisons ! En oubliant de préciser, bien sûr, que l’une d’entre elles durait six mois. Combien pensez-vous donc que les Français, les Italiens, les Belges, les Suisses, les Danois, les Chinois, les Chiliens, les Anglais, les Portugais ont de saisons ? Avez-vous déjà été au Portugal au printemps ? En ce moment par exemple ? Avez-vous déjà passé un automne à New York ? C’est pas loin, New York...

Et je ne dirai rien de la pouaisie qui transforme toute cette neige en débilitantes nelliganneries. Ah ! comme la neige a neigé ! devenu Ah ! comme la chierie a chié ! Mais ce qui va me porter un jour à l’assassinat d’un Nelligan de banlieue n’est pas sa pouaisie, mais bien son obstination à diviser le monde en deux : ceux qui aiment l’hiver et ceux qui le détestent. Il est pourtant évident que la grande majorité des gens de ce pays sont les deux en même temps. La majorité des gens de ce pays, et j’en suis, aiment l’hiver de la mi-novembre à la mi-mars, après ils ne supportent plus les tatas qui viennent dire à la radio : c’est tellement beau !

Ce qui va m’amener un jour à étriper un de ces philosophes de la boréalité, c’est qu’ils ont toujours l’air de me dire : Hé Foglia, t’aimerais pas mal plus l’hiver si tu te bougeais un peu le cul. La plupart du temps, ceux et celles qui parlent ainsi sont des moumounes en raquettes, 30 livres en trop, gros boudins zippés dans leur coat de ski-doo. Que ne viennent-ils-elles courir avec moi sur mes chemins gelés ?

Peut-on aimer l’hiver mais détester les sorties de route ?

Peut-on aimer la neige mais pas un mètre et demi sur le toit et que ça coule dans le salon ?

La mère de famille à Montréal qui va chercher sa petite à la garderie après le travail, a-t-elle le droit, ces jours-ci, de sacrer après l’hiver ?

Comment peut-on aimer l’hiver là, tout suite, alors qu’il neige ENCORE à plein ciel, qu’on n’a pas vu le soleil de la journée et qu’avec tout ce gris, même écrire distrait à peine de la mort ?

LE PM EN PPP – Le président des États-Unis non plus ne gagne pas beaucoup d’argent. Quoi ? Cent cinquante mille dollars de plus que M. Charest ? À ce tarif-là, je ne voudrais même pas être président du Luxembourg.

J’abonde bien sûr, dans le sens des commentaires entendus jusqu’ici : les politiciens, et en premier lieu le premier ministre d’une province ou d’un pays, sont trop peu payés.

Cela établi, je ne suis pas certain que la solution soit dans un salaire d’appoint versé par le parti selon l’arrangement entre M. Charest et le Parti libéral du Québec, qui lui verse 75 000 $.

Tout en relevant que cette pratique posait un problème d’éthique, la plupart des observateurs de la scène politique se sont dépêchés, hier, de balayer ce problème d’éthique sous le tapis.

Je ne suis pas sûr du tout qu’il soit indifférent que le premier ministre de tous les Québécois reçoive une partie de son salaire de son parti. Cela paraîtra bien théorique à certains, mais n’est-ce pas, dans les faits, rompre avec le principe même de la représentation ? M. Charest ne représente pas les intérêts du Parti libéral mais ceux de tous les Québécois ; il me semble qu’il appartient à tous les Québécois de lui payer un salaire un peu plus que décent.

Le problème, et là-dessus, je rejoins la conclusion de la chronique d’hier de mon collègue Marissal, le problème est qu’une majorité de citoyens s’opposeraient à ce que l’on hausse le salaire des politiciens de façon significative.

Que faire ?

Je n’en sais rien. Mais la solution n’est pas dans un PM en PPP même si j’en entends qui me crient, réveille Foglia, fait longtemps que c’est comme ça. Anyway.

SIX MOTS – Pour en finir (fini-fini) avec votre vie en six mots, ces quelques envois tardifs et néanmoins inspirés...

De Mario : Constamment, prudemment, méticuleusement, je n’avance pas.

De Chantal : Née orpheline de parents vivants.

De Martin : Ça saigne papa, je te jure.

De Diane : La vie ça l’a pas de bon sens.

De la blonde d’un collègue, mais je ne dirai pas lequel, même sous la torture : Je vis avec un grognon, calice.