Le jeudi 27 mars 2008


Chronique sportive et un peu tibétaine
Pierre Foglia, La Presse

Les bagarres au hockey junior? Je suis contre, comme je suis contre dans le hockey tout court. Dixit Yves Boisvert dans la première de ses deux chroniques sur l'affaire Roy.

Moi je suis pour. Pas pour. Mais pas contre. Tenez, comme la dernière fois que Guillaume Latendresse a laissé tomber les gants contre un joueur des Sabres, je crois, les commentateurs étaient unanimes: yeah! Eh bien! je me joins à cette unanimité. C'était bien. C'était correct, disons. C'était ce qu'il fallait faire.

Je reviens à la chronique d'Yves, elle commençait ainsi: On peut bien parler de bagarres si vous voulez, c'est un excellent sujet, mais ce qu'a fait Jonathan Roy samedi soir c'est autre chose.

C'est exactement ça. Boisvert est contre les bagarres. Moi, ça ne me dérange pas. Mais ça n'a rien à voir avec l'affaire qui nous occupe ici. Pourtant, on n'en sort pas, pourtant on ne parle que de ça depuis quatre jours: la violence au hockey.

Si ça n'a rien à voir avec la violence au hockey, avec quoi alors?

Avec Patrick Roy.

On est ici devant une pathologie qui n'est pas particulière au hockey. On est devant la célébrité vécue comme une psychose. Cela se rencontre beaucoup chez les joueurs de soccer, de baseball, de basketball, mais j'en ai connu aussi en athlétisme (Carl Lewis, la Pérec), dans le vélo (Armstrong). On parle ici de très très grands athlètes qui deviennent des petits empereurs dans le civil. On parle d'égocentrisme forcené, on parle d'un sentiment de supériorité qui dispense le petit dieu de respecter les règles du commun, on parle d'une totale inaptitude à composer avec la critique, avec l'opposition, avec le refus, on parle de l'intimidation comme métalangage. On parle de ces super athlètes incapables de se projeter en citoyens ordinaires à la fin de leur carrière. Ils continuent à régner, à attendre que le monde se prosterne à leurs pieds. C'est qui qui gardait les buts du Canadien la dernière fois que le Canadien a gagné la Coupe Stanley? Hein? Hein? C'est qui?

J'en entends qui, croyant défendre Patrick Roy, disent: il faut le comprendre, c'est un guerrier. Mais on l'avait très bien compris, braves gens. C'est un de ces guerriers incapables de revenir de la guerre, enfin qui en revient mais qui continue de tirer sur tout ce qui bouge. Peut-être bien que cela relève de la police, mais certainement aussi un peu de la médecine.

Cela n'a rien à voir avec la violence au hockey. J'irai plus loin: cela n'a même rien à voir avec l'inacceptable de la violence au hockey, par exemple Bertuzzi, par exemple en pire Bobby Clarke, qui casse volontairement la cheville de Kharlamov d'un coup de hockey, par exemple pour rester chez les Flyers, Fred Shero et Dave Schultz.

Rien à voir avec tout ça.

À voir avec Patrick Roy. Et avec nous, bien sûr, qui pardonnons tout à nos héros, fussent-ils déjantés.

On reste dans le sport.

Le Tibet, c'tu du sport? En tout cas, c'est assez formidable de voir comme vous devenez tous gagas quand il s'agit du Tibet. J'entends des baptisés de la religion catholique qui ne seraient pas foutus de réciter un Notre-Père mais qui discourent couramment et mieux que Richard Gere sur la 14e réincarnation de bodhisattwa, sur le véhicule de diamant, et sur quelques autres niaiseries lamaïstes devant lesquelles, moi, rationaliste et laïc, je suis censé me prosterner comme devant une grande découverte, mettons l'invention de la brouette.

La burqa, non mais quelle honte! Sont-ils assez obscurantistes, ces musulmans? Tandis que les incantations et les visualisations du tantrisme tibétain, holà madame chose, ça, c'est de la spiritualité, pis sont-tu assez cutes avec leurs petits bonnets jaunes?

Je serais plus sensible au prêchi-prêcha du dalaï s'il était moins subventionné par les mouvements religieux de la droite américaine, si on le voyait moins souvent avec Bush, s'il n'avait pas déjà pris la défense d'Augusto Pinochet, s'il n'avait pas été employé longtemps par la CIA (documents rendus publics par le département d'État en 1998).

Je serais plus sensible à un discours qui ne nous prendrait pas pour des valises en nous racontant qu'avant les Chinois, le Tibet était un paradis. La vérité, c'est qu'avant les Chinois, le Tibet était pauvre comme la gale, et intégriste comme n'importe quelle autre théocratie, les lamas étaient très riches et les paysans crevaient de faim. Depuis l'occupation par les Chinois, les paysans crèvent toujours de faim et les lamas sont persécutés. C'est pas une raison pour nous raconter des conneries sur avant.

Je serais plus sensible à l'appel d'un boycottage si l'insurrection n'était pas téléguidée par des prosélytes bouddhistes européens et nord-américains qui ont commandé aux Tibétains une insurrection clés en main, marquée du sceau olympique avec, en sport de démonstration, le lancer du moine.