Le jeudi 15 mai 2008


La poésie, la Poune et les phoques
Pierre Foglia, La Presse

C’est bien la première fois qu’il me fait plaisir de traduire un article du National Post. C’est un article sur la chasse au phoque qui conclut que cette chasse, outrageusement subventionnée, est purement idéologique. J’insiste sur le fait que c’est le plus Canadian des quotidiens canadiens qui le dit. Le plus au garde-à-vous devant les valeurs canadiennes.

On chasse le phoque au Canada, ni pour les peaux ni pour la viande, on chasse le phoque par entêtement, pour ne pas donner l’impression de céder au boycottage européen et américain.

À 52 $ la peau de phoque en moyenne (beaucoup moins cette année), la chasse au phoque rapporte 12 millions par année aux chasseurs, moins leurs dépenses : 6 millions.

L’article du Post, signé Murray Teitel, établit que ces 6 millions en coûtent au moins 60 aux contribuables canadiens.

D’abord les frais de la Garde côtière : une dizaine de bâtiments, surtout des brise-glaces, des hélicoptères et des avions de reconnaissance mobilisés expressément durant les sept semaines que dure la chasse. L’Amundsen, qui ouvre la route aux chasseurs vers la banquise coûte 50 000 $ par jour en frais d’exploitation. Frais alourdis chaque année par les imprévus parfois tragiques comme les quatre noyades de cette année (l’an dernier. il avait fallu secourir de nombreux chasseurs retenus prisonniers de la banquise).

La campagne pour contrer le boycottage des peaux par les pays européens coûte aussi très cher. En plus d’être inutile, le combat est perdu de toute façon. Le boycottage américain orchestré par la Humane Society of the Unites States a réussi à faire baisser de 44 % l’importation de crabe des neiges des provinces où l’on pratique la chasse au phoque.

Enfin, la bureaucratie fédérale mobilisée par la chasse au phoque, fonctionnaires aux permis, aux quotas, inspecteurs, relationnistes, etc., coûte à elle seule plus de 6 millions par année.

Alors ? pour ou contre la chasse aux contribuables ?

LA VIE À LA CAMPAGNE — Un restaurant en pleine campagne, sur une petite route de campagne. Faute de place dans le parking, les clients se stationnaient en face, sur le bas-côté de la route, juste assez large pour que les autos n’empiètent pas sur l’asphalte et ne dérangent en rien une circulation de toute façon clairsemée. Des voisins se sont plaints, ont fait signer une pétition, et la municipalité a interdit le stationnement sur le bas-côté.

Le restaurateur qui vit dans une maison attenante au restaurant est allé proposer au conseil municipal du village de couper les arbres devant sa maison pour agrandir son parking. Sans sourciller, le conseil municipal lui a délivré un permis d’aménagement. Que ce citoyen abatte ses quatre magnifiques épinettes de Norvège, ses quatre érables, ses deux noyers noirs et son tilleul, no problemo, il est chez lui.

Le restaurateur n’a jamais eu l’intention de couper ses arbres. Il voulait seulement faire la démonstration de l’absurdité de la situation. Et c’est ainsi que perdurent les chicanes de villages en se nourrissant de petites rancœurs glauques.

LE MOIS DE MARIE — Quand j’étais petit, le mois de mai était le mois de Marie ; après souper, ma mère me traînait à l’église, mais j’ai déjà raconté cela, je n’y reviens que pour m’interroger : le mois de mai est-il encore le mois de Marie ou n’est-il plus que le mois des niaiseries ?

Je viens de recevoir un communiqué qui nous annonce triomphalement que demain (ou après-demain, je ne sais plus) sera La journée mondiale de la femme enceinte.

Marie, la Marie de quand j’étais petit, n’est donc pas assez enceinte pour vous ? Et la fête des Mères ? Fêtant les mamans ne fête-t-on pas un peu la maternité en même temps ? Ce n’est pas assez ? Ça vous en prenait une enceinte absolument ? Aurons-nous bien vite aussi une journée mondiale de l’accouchement ? Les intégristes de l’allaitement obligatoire doivent bien avoir déjà leur semaine de l’allaitement, ne restera plus qu’à instituer un quart d’heure international de la copulation pour compléter la démonstration.

Comme si l’humanité se réveillait chaque matin en se disant : bon, qu’est-ce qu’on fêterait bien aujourd’hui ?

Essayez donc la vie, pour voir.

LA POUAISIE — Recevez-vous de ces courriels agrémentés de gugusses animés, le plus souvent jaunes, qui vous souhaitent une bonne journée ? Peut-être est-ce vous qui me les envoyez ? Pire que ces gugusses il y a ces citations qui donnent à vos courriels des airs de cartes Hallmark avec leurs vœux préimprimés.

Très à la mode ces jours-ci, cette insanité poético-philosophique au bas de nombreux courriels : Chacun de nous est un ange à une aile, qui ne peut voler qu’en étreignant un autre ange.

Ça pourrait être du Joselito Michaud, mais c’est d’un certain Luciano de Crescenzo hélas! italien.

Redites-moi ça... Chacun de nous est un ange à une aile qui ne peut voler qu’en étreignant un autre ange... J’ai essayé sur le même modèle, en commençant par «Chacun de nous» et en demandant l’avis de ma fiancée...

Chacun de nous est un toaster à deux tranches, toi et une autre, mon amour.

C’est qui l’autre tranche ?

Personne. Tu comprends pas, c’est un toast à l’amour.

Essaie autre chose.

OK, plus classico : chacun de nous est une petite fleur.

C’est mieux, continue...

Et beaucoup de fumier pour la faire pousser.

RUMEURS — L’autre jour, dans cette chronique, je me vantais, et c’était pour me moquer de mon grand âge, je me vantais auprès de mon ami Maxime d’être brièvement sorti avec La Poune. Ce petit mot d’un lecteur (Gilbert Jean) :

Pendant des années, en rentrant à Montréal par le pont Viau, on pouvait lire un graffiti sur une bâtisse de béton, peut-être bien une station de pompage, tout près des premières maisons, du côté ouest du pont, qui disait : J’ai fourré La Poune. C’était donc vous ?

Non, monsieur. Je ne voudrais pas partir de rumeur, mais il ne m’étonnerait pas que ce soit la Poune elle-même qui soit l’auteure de ce graffiti pour... pour faire taire une autre rumeur.